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Le faux scandale de l’affaire Michelle Martin

Au prime abord, on pourrait penser que l’annonce couplée du refus de la France de jouer la « poubelle » de l’affaire Dutroux, comme il se dit Outre-Quiévrain, en laissant un couvent accueillir Michelle Martin, d’une part, et celle que les démarches n’ont « même pas » été entreprises par la Belgique à cet effet, d’autre part, tiendrait du scandale. Or ce n’est pas le cas.

A peine les vagues engendrées le lundi 9 mai par la décision du tribunal d’application des peines (TAP) de Mons de libérer sous conditions Michelle Martin, l’ex- épouse et complice de Marc Dutroux (qui avait condamnée à 30 ans de réclusion criminelle le 22 juin 2004 à Arlon) s’atténuaient-elles qu’une autre déferlante s’est abattue sur le dossier, ce mercredi.

D’une part, le Garde des Sceaux (le ministre de la Justice, en France), Michel Mercier, a indiqué qu’il compte refuser, le moment venu, d’accepter le projet que Martin passe les prochaines années dans un couvent de l’Hexagone. Or l’obligatoire plan de réinsertion que celle-ci devait présenter au TAP pour espérer une libération passait par cette case couvent. Mais il est aussi apparu que, si l’on savait que l’accord français était encore attendu, la Belgique n’avait, en réalité, même pas entrepris les démarches pour l’obtenir ! Ce qui a suscité quelque colère dans l’opinion publique car on a vite pensé que le TAP s’était montré à tout le moins léger en accordant la libération conditionnelle sans avoir vérifié, au préalable, la faisabilité d’une des conditions essentielles qu’il imposait à Martin. Seulement voilà : il lui était impossible de le faire car la procédure ne va pas en ce sens.

Via les ministres

Le TAP de Mons ne peut en effet pas s’adresser à la justice française. C’est au procureur général de son ressort, Claude Michaux, qu’il revient de s’adresser au ministre belge de la Justice, en l’occurrence Stefaan De Clerck (CD&V), pour que celui prenne contact avec son homologue français (sur la base d’une convention européenne du 30 novembre 1964 réglant la surveillance des libérés sous condition).

Le Français doit ensuite répondre, favorablement ou non, à la demande. Laquelle ne porte pas sur le droit d’habiter en France (tout Européen en dispose), mais sur l’acceptation par l’Etat-hôte d’assurer le suivi et le contrôle des conditions de libération émises en Belgique.

Cependant, pour transmettre cette demande, le « PG » doit attendre que la décision du TAP soit définitive, c’est-à-dire évidemment d’abord qu’elle ait été rendue, puis qu’un délai de quinze jours se soit écoulé (parce que, même si on ne voit pas pourquoi elle le ferait dans le cas d’espèce, Martin dispose de ce laps de temps pour introduire un éventuel pourvoi en cassation). En pratique, ce n’est donc que le 24 mai que la Belgique peut parler du cas Martin à la France. Et M. Michaux, dont la fonction le conduit naturellement à respecter la procédure, a indiqué ce mercredi qu’il le ferait.
Jeudi, le ministre belge de la Justice a cependant indiqué avoir transmis le jour même le dossier à Michel Mercier, mais de manière informelle et pour répondre en quelque sorte à ses déclarations rapides, avant la signification officielle à venir le 24 mai.

Une lettre de la Mère supérieure

Quant au TAP, il n’a pas été si léger que cela. Il a en effet vérifié ce qu’il pouvait vérifier, à savoir que le couvent acceptait réellement d’accueillir Michelle Martin. LeVif.be a ainsi appris qu’une lettre de la Mère supérieure figure au dossier. Elle y indique sans ambages que Martin est acceptée en ses murs. Elle précise même que les conditions sont remplies pour un suivi, disons, thérapeutique de l’intéressée. Et c’est notamment sur cette base que la décision de libération est intervenue. Que cela plaise ou que cela suscite un sentiment d’horreur, c’est une chose. Mais, en tout cas, les règles ont été respectées.

Ceci étant, le législateur pourrait revoir sa copie sur le sujet en permettant, d’une manière ou d’une autre, qu’une vérification complète de la faisabilité d’un tel projet soit possible avant la décision d’un tribunal d’application des peines, et non après. Bien sûr, ce genre de cas ne se produit pas tous les jours… Toutefois, éviter l’impact négatif qu’entraînent dans l’opinion publique de telles tribulations – surtout dans l’affaire Dutroux ! – ne serait pas du luxe. C’est tellement vrai que, dès ce jeudi 12 mai, l’annonce a été faite qu’une telle révision pourrait intervenir d’ici la fin de l’année, à l’occasion de la signature de nouveaux accords.

Case départ

Quant à Michelle Martin, elle pourrait ne pas être libérée de sitôt. Car si le Garde des Sceaux maintient son choix de refuser la collaboration française, après avoir reçu la demande belge officielle, l’effet juridique de ce « niet » sera de rendre caduque la décision du 9 mai. Plus de libération, sauf à refaire le parcours complet en proposant un plan de réinsertion alternatif. En revanche, si la France disait finalement oui, la décision du TAP serait immédiatement exécutable.

Roland Planchar

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