Maria Luisa Cesoni © Belga

Le droit pénal anti-terroriste « ne respecte pas les exigences de prévisibilité »

Le Vif

Depuis 2003, neuf incriminations en lien avec le terrorisme ont été introduites dans le droit pénal belge. Plusieurs « ne respectent pas les exigences fondamentales de clarté et de précision imposées par le principe de légalité, qui vise à assurer la prévisibilité de l’application de la loi pénale », affirme le Comité de vigilance en matière de lutte contre le terrorisme (Comité T) dans son dernier rapport présenté mardi au Sénat.

Le Comité T a été créé en 2005 à l’initiative de plusieurs associations de défense des droits humains. Il est composé de membres de la société civile disposant d’une expertise pour observer et analyser les mesures prises en matière de lutte contre le terrorisme au regard des droits fondamentaux.

Son rapport 2019 affirme que « le respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est toujours un chantier en cours ». Le document pointe notamment plusieurs incriminations introduites dans le Code pénal qui se rapprochent de simples délits d’intention car le comportement matériel visé peut être parfaitement anodin (voyager, s’informer, s’exprimer,…). Pénaliser la préparation de la commission d’une infraction terroriste ainsi que le départ ou le retour en Belgique en vue de commettre des infractions terroristes, par exemple, pose la question de la preuve d’une intention terroriste sur la base d’actes non répréhensibles en soi, avec le risque d’imposer aux prévenus de se disculper eux-mêmes, a résumé lors d’un « exposé-débat » au Sénat Maria Luisa Cesoni, professeur de droit pénal à l’UCL qui a participé à la rédaction du rapport. Une fois en prison, les détenus considérés comme radicalisés sont soumis à des régimes d’exception, sans possibilité de connaître et contester les motifs de leur « profilage », a aussi relevé Nicolas Cohen, avocat et membre de l’Observatoire international des prisons (OIP). Invité à réagir, le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw a rappelé que la Belgique n’avait pas édicté d’état d’urgence. Globalement, le pays a fait preuve de maturité dans son approche du terrorisme, a-t-il estimé. S’il est essentiel de continuer à débattre des mesures prises, il faut aussi distinguer les outils de la façon dont ils sont maniés: la jurisprudence se montre « raisonnable » et certaines incriminations ne sont pas utilisées, a-t-il défendu. Le rapport du Comité T peut être consulté sur le site comitet.be.

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