Bertrand Candelon

Le décodeur de l’économie de Bertrand Candelon: appeler les banques à la rescousse? (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Le secteur bancaire peut continuer et même amplifier son soutien à l’économie.

La crise de la Covid va laisser les finances du pays exsangues, alors que, dans le même temps, les besoins de financement exploseront pour redynamiser l’économie belge. Le plan de relance européen de six milliards d’euros, aussi efficient qu’il puisse être, ne sera vraisemblablement pas suffisant face aux défis qui attendent la Belgique, pour retrouver la croissance (potentielle) d’avant la crise. Dans ce contexte, on entend de plus en plus de voix demander une contribution plus importante du secteur bancaire. Mais est-ce vraiment possible?

Les banques sont des intermédiaires financiers qui collectent les dépôts des épargnants, généralement de court terme, et les transforment en crédits ou en investissements pour les entreprises, les ménages ou les administrations publiques à plus long terme. Pour ce faire, elles prennent de nombreux risques. Tout d’abord, un risque de liquidité: elles doivent garder une partie des dépôts pour faire face à des retraits potentiels, faute de quoi elles font face à des paniques bancaires. Ensuite, un risque de crédit: en cas de situation économique dégradée, certains de leurs clients ne peuvent plus rembourser leurs crédits. Les banques voient leur bilan comptable se dégrader. Finalement, elles font face aussi à un risque de marché, associé à une perte de valeur de leurs investissements en Belgique ou à l’étranger.

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Depuis le début de la crise sanitaire, la situation financière des banques belges est demeurée solide. On observe, tout d’abord, une augmentation des dépôts bancaires des ménages avec un pic en avril et mai 2020. Ce résultat correspond principalement à de l’épargne de précaution. En effet, dans une conjoncture économique incertaine, les ménages préfèrent logiquement garder des liquidités sur leur compte courant. De même, les investisseurs décident de reporter leur décision. Ces effets sont amplifiés par les faibles opportunités d’achat consécutives au confinement. De plus, le marché boursier qui avait fortement baissé en mars 2020 s’est rétabli, permettant aux banques de réaliser des gains.

Enfin, depuis la crise de 2008, les autorités européennes ont mis en place des mesures de régulation plus strictes. Les banques belges ont donc continué à octroyer des crédits aux entreprises mais aussi aux ménages. En 2020, le crédit aux ménages a augmenté de 3% alors qu’il a stagné (0%) en 2014. Elles ont aussi accordé (sous certaines conditions) des moratoires sur les prêts professionnels et hypothécaires. Ce soutien a été aussi facilité par la politique accommodante de la Banque centrale européenne, qui leur a permis de piocher dans leurs réserves de sécurité.

Mais est-il possible de faire encore plus, sans risquer une crise bancaire? Les faillites qui s’annoncent vont augmenter le risque de crédit. Il serait, dès lors, contre-productif pour le système bancaire de soutenir toutes les activités qui vont tôt ou tard défaillir. L’accroissement de la dette publique va également augmenter le risque de marché. La diminution de la rentabilité des banques devrait donc se poursuivre en 2021 mais elle devrait rester positive. Le secteur bancaire peut continuer et même amplifier son soutien à l’économie. En lien avec le plan de relance, il pourrait, par exemple, soutenir les secteurs prioritaires ainsi que les entreprises fragilisées par la crise et génératrices d’emploi. On remarque, de plus, que par rapport à nos voisins français, la proportion des moratoires sur les crédits alloués aux petites et moyennes entreprises reste très faible.

Le secteur bancaire a tout intérêt à un redressement économique rapide afin de reprendre une activité normale. Alors, soyons de bon compte, la marge du secteur financier pour soutenir l’activité est étroite, mais elle existe. De plus, cet effort paraîtrait responsable au vu des aides, payées in fine par le contribuable belge, dont ce secteur a bénéficié lors de la crise de 2008.

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