A l'ombre d'une usine textile désaffectée, Wonderlecht aligne ses 200 sacs potagers. Un lieu de rencontres, formations et production en permaculture. © FERNAND LETIST

« Le citadin veut se réapproprier son alimentation et se reconnecter »

Le Vif

Lison Hellebaut, experte en agriculture urbaine chez Bruxelles-Environnement, plaide pour des projets qui apportent aussi « des bénéfices au niveau éducation, bien-être, cohésion sociale, environnement ».

Elle arrive à vélo au lieu convenu : la Packfarm de Molenbeek, entre serre, restaurant et potager, à un jet de pierre du siège de Bruxelles-Environnement où elle travaille. Lison Hellebaut est aussi une pilote de Good Food, initiative et label tournés vers les cantines et restaurants qui privilégient les légumes et fruits locaux, frais et durables issus de l’agriculture urbaine. Son autre spécialité :  » Soutenir en intra-urbain tous les projets d’agriculture durable, en priorité ceux qui font plus que simplement produire de la nourriture mais apportent des bénéfices au niveau éducation, bien-être, cohésion sociale, environnement.  »

L’aspect nourricier est secondaire ?

Non puisque la Région a fixé un objectif de 30 % d’autoproduction de fruits et légumes intra-muros à l’horizon 2035. Mais il est clair que Bruxelles ne pourra jamais être autosuffisante et restera dépendante de l’agriculture rurale. Cependant, cultiver sur son balcon ou en potager collectif redonne conscience de la difficulté de produire de la nourriture, de l’énergie et de l’expertise nécessaires. L’agriculture urbaine retisse du lien et du respect entre ville et campagne.

Enraciner l’agri urbaine de proximité dans notre alimentation dépend d’une volonté politique globale.

Pourquoi est-ce tendance et qu’est-ce qui motive les nouveaux apprentis agriculteurs ?

Pour beaucoup, des potagistes aux porteurs de projets hybrides, les premières motivations ne sont pas la production mais bien la cohésion sociale, l’apprentissage technique, être en plein air, participer à la production alimentaire locale, être utile. L’agri urbaine répond à des attentes en prise directe avec des besoins de la société moderne et des individus. Il y a une attention de plus en plus forte sur la qualité de ce qu’on mange et une volonté de se réapproprier son alimentation. Il y a aussi un besoin croissant de se reconnecter aux autres : alimentation et agriculture peuvent en être les vecteurs. Puis, les gens aspirent à un retour au concret, à l’authentique, surtout en milieu urbain. Enfin, s’ajoutent les bénéfices réels apportés par la pratique de cette activité en matière de réinsertion sociale, de pédagogie scolaire ou de santé (réduction de l’obésité ; réduction de médication des seniors).

Le phénomène va-t-il s’essouffler ?

Rien ne l’indique. Au contraire ! Depuis 2008, l’agriculture urbaine monte en flèche. Les dynamiques de quartiers et initiatives collectives de transition s’intensifient et les demandes affluent. Côté acteurs historiques de la démarche, beaucoup ont tenu le coup et le cap, contre vents et marées, et ont imposé leur modèle sans perdre leur identité. Malgré le problème foncier, le manque d’espaces et l’occupation précaire de certains sites. Les appétits immobiliers menacent toujours. Bruxelles-Environnement essaie aussi d’augmenter des surfaces cultivées au sein d’espaces verts. Ce qui n’est pas évident.

Lison Hellebaut, spécialiste de l'agriculture urbaine chez BXL-Environnement et membre de Terres en vue.
Lison Hellebaut, spécialiste de l’agriculture urbaine chez BXL-Environnement et membre de Terres en vue.© DR

L’action des pouvoirs publics est-elle suffisante ?

Bruxelles-Environnement est en pointe, notamment grâce au programme Good Food. Mais vu les bienfaits pluriels de l’agriculture urbaine, il est souhaitable que d’autres secteurs, d’autres politiques bruxelloises actives dans l’éducation, le bien-être, la santé, l’enseignement s’approprient aussi cet outil socio-économique. Sur les projets hybrides, tous les pouvoirs publics devraient subsidier les autres services rendus à la collectivité au niveau formation, cohésion, animation, etc. Avec une réelle volonté politique, l’agriculture urbaine de proximité, de pleine terre et hors sol – commerciale, d’autoproduction ou hybride – , peut vraiment s’enraciner dans le système alimentaire bruxellois selon des modèles cohérents. Enfin, un aspect doit absolument se concrétiser : la distribution en circuit court des denrées locales produites. Certaines arrivent dans des commerces bruxellois comme Food Hub, Roots… Mais quasi aucun magasin ne peut encore être rentable par la seule vente des produits de l’agriculture urbaine bruxelloise. Les consommateurs aussi doivent accepter de payer plus pour du local frais de qualité.

Par Fernand Letist.

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