Olivier Mouton

Le chômage reste un mal chronique

Olivier Mouton Journaliste

La moitié des chômeurs n’ont pas fait assez d’effort en 2013 pour trouver un emploi, dit l’Onem. C’est un mal culturel belge, auquel plusieurs réponses doivent encore être apportées. D’urgence !

Près d’un chômeur sur deux (47%) ne cherche pas activement un emploi. Les chiffres de l’Onem pour l’année 2013 révélés ce jeudi par La Libre Belgique ont de quoi inquiéter. Ce sont les pires statistiques publiées depuis la mise en place d’un système d’accompagnement et de contrôle voici dix ans. Preuve que la volonté initiale se relâche…

Bien sûr, une crise économique et sociale ravage le monde du travail depuis 2008 et ses effets ne sont pas à sous-estimer. Ce ne peut toutefois être la seule explication. Le chômage reste un mal culturel belge et à plusieurs égards, des mesures doivent être prises ou renforcées. Ce doit être la priorité absolue des prochains gouvernements fédéral et régionaux.

Le chômage des jeunes. C’est un fléau préoccupant, qui touche la moitié de la population de 18-25 ans dans certains quartiers des grandes villes. L’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) de l’UCL a publié en décembre dernier une étude montrant que notre pays est un des champions d’Europe en la matière si l’on prend en compte le rapport entre le chômage de cette classe d’âge et celui des catégories supérieures.

Le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux ont pris des mesures lors de cette législature sous la forme d’un contrôle plus strict et d’un accompagnement plus étroit des jeunes sortant des études. Mais la résistance sociale s’organise déjà face à l’exclusion annoncée de quelque 50 000 jeunes du chômage (selon les chiffres de la FGTB) au 1er janvier 2015 en raison du contrôle accru lors du stage d’attente. Le PS, titillé électoralement à gauche par le PTB, doit annoncer ce jeudi après-midi qu’il est prêt à revoir le système.

Attention, danger. Car cet accompagnement et ce contrôle sont indispensables vu la bombe sociale que représente cet avenir bouché pour les jeunes. Des mesures doivent être prises, en surplus, pour rendre l’approche plus cohérente (un seul organe pour gérer le tout, notamment), pour adapter davantage l’enseignement à la réalité du monde économique ou encore pour stimuler la création de sa propre entreprise au-delà des emplois subsidiés. Ces derniers représentent aujourd’hui un emploi sur trois dans notre pays! Il est temps d’encourager l’esprit d’entreprise: il en va de l’avenir de toute une génération.

Le chômage des personnes âgées. A l’autre bout de la pyramide d’âges, le taux d’emploi des 50-64 ans en Belgique est également un des plus bas d’Europe: 52% contre 77% à un pays comme la Suède, qui représente pourtant un modèle social. Des mesures ont été prises lors de cette législature pour limiter les départs en prépension, mais celles-ci vacillent très vite au moment d’une restructuration d’entreprise. L’augmentation de l’âge effectif de départ à la retraite, lui, reste pour l’heure un tabou.

Problème? Des études montrent que la productivité des travailleurs diminue fortement passé l’âge de 50 ans, pour cause de démotivation, de fonction inadéquate ou de mauvais accompagnement. Un chercheur de l’UCL, Vincent Vandenberghe, propose ce jeudi dans les colonnes du Soir un « Pacte de l’âge ». Il s’agirait notamment de doper la formation continue, de prévoir une meilleure ergonomie au travail, de moduler le temps de travail ou encore, révolution copernicienne dont il faudra bien parler un jour, de modérer la progression des salaires avec l’âge pour donner davantage de moyens à ceux qui se lancent dans la vie et ont la fougue du travail. A l’heure où l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, en sachant que le coût du vieillissement de la population représentera quelque 5% du PIB, il n’est plus temps d’attendre.

Les pièges à l’emploi. Tout, évidemment, n’aide pas les chômeurs belges à… se démener pour trouver un emploi, comme en témoigne les chiffres de l’Onem. Le problème des pièges à l’emploi reste préoccupant : l’ écart de rémunération entre le premier salaire et l’allocation sociale reçue n’incite pas à accepter un emploi. Traduction crue: il reste souvent plus intéressant de ne pas travailler, voire d’agrémenter cela par des petits boulots au noir, que de se lever tôt pour un emploi salarié qui ne rapporte pratiquement rien de plus. Ces pièges à l’emploi constituent une priorité politique depuis des années, des choses ont bougé, mais bien trop lentement. La réforme fiscale, priorité de tous les partis pour la prochaine législature, devra prioritairement se pencher sur les charges qui pèsent sur le travail. Pour encourager les entreprises à engager mais, aussi, pour diminuer l’écart entre salaire brut et salaire net.

Un mal culturel… tout simplement. En toile de fond de tout cela, il y a une question plus sociologique. Récemment, à l’issue d’un entretien consacré à tout autre chose, la ministre de l’Education francophone, Marie-Martine Schyns, soulignait spontanément: « Il faut redonner aux jeunes le goût du travail à l’école. » Tout est dit. Dans notre pays de cocagne, si l’aide sociale est évidemment un bienfait à préserver, il est temps de revaloriser une notion trop souvent déconsidérée, celle de l’effort. Parce que l’on n’a rien sans rien…

Contrôler qu’un chômeur cherche bien un emploi, en soi, démontre par l’absurde que quelque chose ne tourne pas rond.

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