© Frédéric Pauwels

« Le célibat alimente une grande frustration sexuelle chez certains prêtres »

Le débat sur le célibat des prêtres est relancé par des évêques belges. Cette règle est considérée par beaucoup comme l’une des causes des abus sexuels commis par ces clercs. Le Vif.be a recueilli l’avis d’Emmanuel de Becker pédopsychiatre et psychothérapeute aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

Emmanuel de Becker : Face à cette règle du célibat, que fait le prêtre ? Il réprime sa sexualité ? Il la transcende ? Un prêtre reste un être humain et est donc confronté inéluctablement à ces questions. Pour certains, le célibat alimente une grande frustration sexuelle. D’autres, que j’ai eu l’occasion de rencontrer, ont un « thermostat sexuel » beaucoup plus froid. C’est l’héritage de leurs gènes, des interactions avec leur milieu et de l’investissement que leurs parents ont fait de leur corps. Chez les uns, la sexualité est très secondaire, chez d’autres, véritables Don Juan en carence affective, le besoin de séduire et d’être valorisé est irrépressible.

Il est question de renforcer la formation des futurs prêtres en matière sexuelle. C’est indispensable ?

Ouvrir les futurs prêtres aux questions de la sexualité me paraît judicieux. Tous les métiers de contact avec des mineurs d’âge devraient d’ailleurs bénéficier d’une sensibilisation au respect des Droits de l’enfant. Mais l’axe de prévention principal doit se situer en amont, au niveau des familles, des interactions entre enfants et parents. Car un agresseur sexuel est, bien souvent, un individu qui, dans son enfance, a été choyé par sa mère, puis brusquement délaissé, voire maltraité par elle.

Le pape vient d’affirmer que l’ex-évêque Vangheluwe et les autres ecclésiastiques auteurs d’abus sexuels sont des « malades », privés de leur « libre volonté ». Ils ne seraient donc pas responsables de leurs actes. Que penser de tels propos ?

Il ne faut pas confondre maladie et responsabilité. Poser des actes pédophiliques, c’est transgresser un tabou essentiel : toucher sexuellement un enfant pour assouvir ses pulsions. La pédophilie définit avant tout un comportement. Si on retrouve chez la plupart des agresseurs sexuels d’enfants ce qu’on appelle parfois un trait pervers, le terme « pédophilie » ne dit rien de la personnalité de l’auteur des abus. Certains agresseurs sexuels atteints de psychose sont parfois jugés irresponsables et placés en établissements de défense sociale. Cela dit, les abus sexuels dont les auteurs sont des déficients mentaux ne sont pas les plus nombreux.

Entretien : Olivier Rogeau

La version intégrale de l’interview du Pr Emmanuel de Becker est publiée dans Le Vif/L’Express du 24 septembre.

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