Kristien Hemmerechts

Le blanc détonne

LE PEUPLE BELGE PROTESTE. Des deux côtés de la frontière linguistique. La population en a marre, elle veut être gouvernée.

KRISTIEN HEMMERECHTS, Ecrivaine
Le plus souvent, il y a des révoltes contre un gouvernement. Ici, la fronde fait le mouvement inverse. C’est pour la mise en place d’un nouveau gouvernement que les citoyens se mobilisent. Cela dit, les deux composantes du royaume mènent la rébellion d’une manière radicalement différente. Les divergences sont si prononcées qu’elles semblent donner raison aux obstructionnistes qui ne cessent d’insister sur la profondeur du gouffre séparant les deux communautés du pays. Tel n’est pas l’objectif.

Les Wallons adorent manifestement les activités ludiques. Benoît Poelvoorde appelle ses congénères à ne plus se raser jusqu’à l’avènement d’un nouveau cabinet. Les Flamands, eux, choisissent le registre grave avec le slogan : « Pas en notre nom ». Voilà le mot d’ordre qui, ce 21 janvier au KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg), accompagne les « faiseurs de culture » qui rejettent le discours nationaliste, séparatiste. « Il nous faut une nouvelle ère d’ouverture, de solidarité, de justice sociale et de diversité culturelle », déclarent-ils avec force. Les artistes n’acceptent pas qu’on use et abuse d’eux pour cautionner l’identité flamande. La population flamande elle aussi va manifester, le 23 janvier. « No government, great people » : tel est le nom du groupe d’initiateurs qui l’y invite. L’appellation laisse filtrer une certaine autodérision et le recours à l’anglais semble traduire la crainte que le néerlandais ne fasse pas l’affaire. Il va de soi que tous les Belges sont les bienvenus à cette manifestation. Les participants sont priés de s’habiller en blanc. Les organisateurs espèrent-ils égaler le succès de la mythique Marche blanche ? Mais, à l’époque, le blanc était porteur de sens. L’innocence assassinée se trouvait au centre du débat. Or, aujourd’hui, le blanc détonne tout comme les mots anglais. Impossible de revêtir des habits blancs, neutres, et de tenir en même temps un plaidoyer enflammé. Comme il est irréel de marcher en chaussettes en levant le poing serré.

Qui organise une marche pour la formation d’un gouvernement fédéral doit se ranger résolument derrière les couleurs et les langues fédérales. Comme les femmes ne peuvent être un peu enceintes, on ne peut pas défendre la Belgique à demi. Le caractère pusillanime de cette fronde constitue l’énième signe de mauvais augure dans le ciel de notre pays. Il est plus que temps que des gens se lèvent et annoncent la couleur. Les chamailleries interminables et les vaines palabres n’ont que trop duré.

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