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Le 14 octobre, la plus longue période sans élections depuis 20 ans prend fin

Huit millions d’électeurs se rendront aux urnes le 14 octobre pour renouveler les 581 conseils communaux et 10 conseils provinciaux du royaume. Ces élections mettent fin à la plus longue période sans scrutin depuis près de 20 ans.

Le scrutin local obéit à des enjeux locaux et à des stratégies qui ne correspondent pas nécessairement aux stratégies nationales. Il est pourtant de toute première importance car il assure aux partis un ancrage précieux à un échelon du pouvoir proche du citoyen. C’est là que le contact avec celui-ci est le plus direct, que les problèmes sont les plus pratiques voire terre-à-terre, c’est là que la politique s’exerce souvent presque bénévolement mais aussi que bon nombre de personnalités se constituent un fief qui leur assure des voix et leur permet de se projeter vers un échelon supérieur ou au contraire de se replier en cas de déconvenue.

En Wallonie et à Bruxelles, deux séries d’affaires touchant le niveau local et provincial ont marqué la législature: le scandale Publifin, d’un côté, celui du Samusocial de l’autre. L’ensemble de la classe politique a été éclaboussée même si les affaires ne concernaient que quelques mandataires. Au-delà des réformes auxquelles ils ont donné lieu, ces dossiers ont éclairé d’une lumière crue une certaine façon d’exercer le pouvoir et le fonctionnement des structures supralocales: concentration du pouvoir entre les mains de quelques uns, indéboulonnables, indemnités sans rapport avec la tâche remplie, attribution opaque des mandats. L’ouverture et le label « citoyen » semblent depuis lors à la mode dans la confection des listes. Les années qui suivent marqueront elles un changement? En avril 2017, le président du PS, Elio Di Rupo, entrevoyait une évolution vers un modèle suédois, plus transparent, avec moins de cumul mais où le mandataire qui sacrifie tout à sa carrière politique aura cédé la place à un mandataire plus soucieux de l’équilibre entre sa vie privée et sa vie publique.

La rentrée politique sera rythmée par l’échéance du mois d’octobre. Même si les autres niveaux ne sont pas directement concernés, ils tourneront au ralenti. Il y a peu de grande décision à attendre d’ici là. De nombreux ministres sont en outre candidats (quelques uns font exception dont le Premier ministre, Charles Michel) et seront donc en campagne ou prêteront main forte aux autres candidats. Un duel sera particulièrement suivi au nord du pays. Le vice-premier ministre CD&V, Kris Peeters, a choisi de se présenter à Anvers, terre du tout-puissant président de la N-VA, Bart De Wever.

A l’échelon fédéral, la rentrée sociale risque toutefois de jouer les troubles-fêtes. Certaines réformes annoncées en matière d’emploi et de fonction publique ont cabré les syndicats qui se rappelleront au souvenir du gouvernement fédéral. La FGTB n’a pas caché sa volonté d’en découdre avec l’équipe Michel.

Une campagne électorale est également propice aux polémiques et aux petites phrases assassines. Il est peu probable que cette édition fasse exception à la règle. L’homme qui depuis 2014 a eu le don d’électriser le débat politique, le secrétaire d’Etat Theo Francken, a annoncé la présentation d’un livre sur l’immigration à deux semaines du scrutin et n’a pas été avare en commentaires au cours des vacances. Et à Anvers, la lutte contre le trafic de cocaïne a échauffé les esprits.

A l’échelon local, les clivages politiques ne sont pas le reflet de la scène nationale. Les listes du bourgmestre ou intérêts communaux qui intègrent souvent différentes tendances en sont l’illustration. Les alliances aussi sont multiples. Elles permettent toutefois de prendre la température des relations entre les partis. S’ils s’écharpent aux étages supérieurs, PS et MR ne rechignent pas à s’allier dans les communes et provinces. Bruxelles-Ville et Liège seront scrutés avec intérêt. Quel prix paiera le cdH après avoir évincé le PS en Wallonie? Son éjection de la majorité à Charleroi par le PS semble assurée. Ecolo devrait poursuivre son implantation locale et gagner des maïorats ou à tout le moins fournir l’appoint nécessaire à des majorités. Deux partis vont aussi tenter de (mieux) s’installer. Le PTB profitera-t-il de sa notoriété fédérale pour étendre un maillage local encore faible, voire entrera-t-il dans des « alliances de gauche » avec socialistes et écologistes? Et DéFI joue une carte importante: affranchi du MR, il s’est fixé comme objectif de s’implanter également en Wallonie. Quant au PP, il espère être la surprise des prochaines élections en profitant de la vague populiste.

En Flandre, les enjeux prennent un tour plus national. La N-VA veut devenir le premier parti local après avoir conquis les autres échelons du pouvoir et supplanter ainsi définitivement le CD&V. Le jeu des alliances sera crucial. Les nationalistes flamands vont-ils jouer les épouvantails et favoriser de la sorte les alliances de leurs adversaires là où ils sont menaçants? Ou au contraire provoquer un basculement de certaines localités en ralliant d’autres partis, en particulier l’Open Vld? Le sp.a joue une partie serrée dans un contexte européen de crise des partis sociaux-démocrates. Après Anvers en 2012, la perte de nouveaux bastions pourrait marginaliser le parti socialiste flamand.

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