Jules Gheude

L’attitude ambiguë des libéraux flamands

Jules Gheude Essayiste politique

Après s’être allié à la N-VA au gouvernement flamand, l’Open VLD va-t-il faire le choix de participer à une coalition fédérale sans le parti nationaliste ? De récentes déclarations permettent de le supposer.

Membre de l’exécutif flamand, le libéral Bart Somers, issu de l’ex-Volksunie, s’est ainsi attiré les foudres de la N-VA pour avoir déclaré qu’elle fuyait ses responsabilités au niveau fédéral. Tel n’est pas le cas de l’Open VLD qui, selon sa présidente Gwendolyn Rutten, n’est pas disponible pour bloquer ou scinder le pays.

Le discours libéral flamand est toutefois loin d’avoir toujours été aussi modéré.

Souvenons-nous de cette déclaration de Karel De Gucht, alors président de l’Open VLD, sur le plateau de VTM, le 6 novembre 2002 : La Belgique est condamnée à disparaître à terme, à s’évaporer, et en attendant elle n’apporte plus aucune valeur ajoutée à la Flandre. Il est inadmissible que la Flandre paie davantage pour les soins de santé et reçoive moins en retour de la Wallonie.

Karel De Gucht prenait ainsi le relais de son coreligionnaire Patrick Dewael, ministre-président flamand qui, quelques mois plus tôt, avait pointé du doigt les transferts nord-sud : Chaque Flamand paie 815 euros pour son compatriote du Sud. Soit huit fois plus qu’un citoyen ouest-allemand débourse pour son voisin est-allemand. Amis wallons, attention !

Le même Patrick Dewael qui, le 7 janvier 2003, allait présenter ses priorités pour une future réforme de l’Etat. Un cahier de revendications s’inscrivant nettement dans le projet confédéral adopté, en 1999, par le Parlement flamand : scission des soins de santé et des allocations familiales, régionalisation partielle de la SNCB, flamandisation totale de Bruxelles-National, autonomie accrue pour l’impôt des personnes physiques, régionalisation partielle de l’impôt des sociétés, fixation par la Flandre de ses salaires et des sanctions de ses chômeurs.

Pour en revenir à Bart Somers, il convient également de citer ses propos tenus dans « Le Soir », le 5 septembre 2003 : Il serait impensable de toucher à l’économie de la Flandre de plein fouet en lui faisant porter l’effort de réduction d’émission de CO2 de manière linéaire, alors que l’appareil industriel au sud est plus vétuste, pollue proportionnellement davantage que le nôtre, qui est à la pointe de la technologie propre. Il n’est pas question de troquer un effort financier flamand en échange d’air propre wallon. Dans le cadre de Kyoto, la Flandre souhaite que la solidarité s’exerce, cette fois, dans l’autre sens, en faveur du nord.

Et les racines « volksuniennes » de l’intéressé sont toujours bien présentes lorsque, le 2 septembre 2006, il précise : Dans ma génération politique, nous donnons priorité aux intérêts régionaux flamands. (…) Les francophones doivent savoir que les Flamands sont résolus. (…) Nous n’accepterons plus que notre croissance et notre emploi soient freinés parce que la Wallonie ne veut pas rencontrer nos demandes.

Aujourd’hui donc, l’Open VLD n’est pas disponible pour bloquer le pays.

Mais n’est-ce pas d’Alexander De Croo, président de l’Open VLD, qui retira en 2010 la prise du gouvernement Leterme II, plongeant ainsi la Belgique dans la plus longue crise politique de son histoire : 541 jours sans gouvernement de plein exercice !

Tels sont les faits. Ils sont, dit-on, plus forts qu’un lord-maire. Que sont en réalité les libéraux du Nord? Quel jeu jouent-ils vraiment ?

Alors qu’il était Délégué général de la Communauté française à Paris (de 1988 à 1996), Paul-Henry Gendebien eut l’occasion de recevoir Jean Gol, chef de file des libéraux francophones. Dans son livre « Splendeurs de la liberté », il raconte : Il m’avoua qu’il ne croyait plus à la nation belge ni même à l’Etat. (…) surtout, il avait été ulcéré par les « avancées » du nationalisme chez les libéraux flamands auxquels s’était d’ailleurs ralliée l’une des ailes marchantes de la Volksunie. Manifestement, le virus de la séparation avait atteint le libéralisme flamand.

(1) Dernier livre paru : « La Wallonie, demain – La solution de survie à l’incurable mal belge », Editions Mols, 2019.

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