Thierry Fiorilli

L’art pervers des conspirationnistes

Thierry Fiorilli Journaliste

Le carnage à Charlie Hebdo en serait la dernière spectaculaire illustration en date. Ce qu’on nous en a dit et ce qu’on nous en a montré ne serait pas ce qui s’est réellement produit. En réalité, on nous aurait manipulés…

Regardez : le policier achevé sur le trottoir, sans traces de sang autour… Et puis, ce tir de kalachnikov sans le moindre recul au moment de la décharge… Etrange ? Mise en scène ! Machination ! Dans quel but ? Pour attiser l’islamophobie, pour décréter l’union sacrée contre le Front national, pour faire remonter la popularité de François Hollande… Pour servir aussi, évidemment, Israël. Et « le lobby juif », comme d’habitude. C’était déjà le cas avec les attentats du 11-Septembre : ce sont les services secrets américains qui ont tout manigancé. Pour justifier une guerre en Irak, une guerre « pour le pétrole », puisque tout le monde savait que Saddam Hussein n’avait pas d’armes de destruction massive.

Et tout à l’avenant… Les adeptes des thèses conspirationnistes, auxquels on doit, entre autres, les raisonnements évoqués ci-dessus, s’en donnent à coeur joie, en ces temps très incertains. Leurs discours fumeux sont amplifiés par la caisse de résonance inouïe qu’est Internet, par la méfiance croissante à l’égard des politiques et de leurs suppôts, « les médias », et par l’aisance déconcertante avec laquelle on peut désormais faire proliférer n’importe quel doute face à n’importe quelle version officielle de n’importe quel événement tragique (terrorisme, épidémie, catastrophe aérienne, crise financière, mort brutale d’une icône…). Cet art-là, qui consisterait à « s’opposer au système », trouve un écho tout particulier auprès des plus jeunes, des plus amers, des plus haineux et des plus illuminés – ceux qui sont convaincus que le monde est régi par une secte mondiale, aux desseins noirissimes.

Mais d’autres paramètres ont aggravé, involontairement, la toxicité des théories complotistes : les mensonges de certains dirigeants (comme George W. Bush), les scandales liés à certaines institutions (comme les écoutes téléphoniques généralisées de la CIA), la montée évidente de la plupart des radicalismes (comme l’extrême droite) et la confrontation toujours plus virulente autour de certaines religions (comme l’islam) ou de certaines cultures (comme la juive). En somme, ceux qui ordonnent – dans tous les sens du terme – le scepticisme profitent à plein, aussi, des errements d’une bonne partie de nos gouvernants et des angoisses d’une large frange de nos sociétés.

Révisionnisme et négationnisme logent toujours dans l’arrière-boutique du complotisme

Pour autant, on pourrait décider de ne prêter qu’indifférence à ces prêcheurs de « l’autre Vérité ». On pourrait les considérer comme ne propageant que des paroles de peu de poids auprès d’esprits de peu d’ampleur. On aurait tort. Parce que, derrière leurs obsessions farfelues, surgissent, tôt ou tard, d’autres remises en question, bien plus glaçantes encore. En substance, finissent-ils par asséner, puisque le complot est planétaire, puisqu’il est ourdi depuis des siècles, puisqu’il profite toujours aux mêmes, on est en droit de douter aussi de toute « l’Histoire officielle ». En ce compris de la Shoah, des camps de la mort, des horreurs attribuées au régime nazi…

Le révisionnisme et le négationnisme logent toujours dans l’arrière-boutique de ceux qui font du conspirationnisme un commerce.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire