© Thinkstock

La sexualité abordée à l’école: bien plus que « comment on (ne)fait (pas) les bébés »

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

9-12 ans, c’est l’âge idéal pour les premiers cours sur la sexualité et les contraceptifs. Depuis juin 2012, l’éducation sexuelle incombe à l’école, qui n’est pourtant ni à l’aise ni la mieux placée pour en parler.

Neuf ans, l’âge des premières amours. Douze ans, celui des appareils dentaires et des premières poussées d’acné. Et aussi, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le groupe d’âges optimal pour introduire des cours sur la sexualité. Pratiquement, il s’agit d’aborder la première fois, l’orientation sexuelle, la contraception ou la pornographie.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, le concept d’éducation sexuelle en milieu scolaire est beaucoup plus large et se définit sous le sigle Evras, acronyme d' »éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle ». Autrement dit, il ne s’agit pas seulement d’expliquer aux élèves « comment on fait les bébés » – et comment on peut éviter de les faire -, mais surtout de les informer sur les notions de respect, de liberté, de choix, etc.

L’éducation à la sexualité a fait son entrée dans les écoles il y a plusieurs décennies déjà. Mais elle variait sensiblement d’un établissement à un autre et d’une région à une autre. Dans certaines écoles, elle était réduite à la portion congrue. Ainsi, une enquête réalisée en 2003 par l’Université libre de Bruxelles, pointait les lacunes de l’éducation sexuelle au cours de la scolarité. Un jeune sur cinq, élève en classe de 2e, 3e et 4e secondaires, n’avait par exemple jamais eu d’animations sur la vie sexuelle et affective. Depuis juin 2012, l’éducation sexuelle est obligatoire, du primaire à la fin du secondaire. L’obligation impose aux directeurs d’école de « prendre des initiatives en la matière ».

Ce champ libre laissé aux écoles ne satisfait pas les acteurs de terrain. « Rien ne leur explique ce qu’ils doivent mettre en place pratiquement : les objectifs, le nombre d’animations, dans quelles classes intervenir, quels thèmes aborder… », explique Xénia Maszowez, coordinatrice au sein des Femmes prévoyantes socialistes (FPS).

Dans les faits, regrettent les intervenants, cette autonomie instituée par le décret ne lève pas les freins qui subsistent au sein d’écoles, voire au sein de pouvoirs organisateurs. En effet, c’est le chef d’établissement qui reste en dernier lieu responsable du choix des thèmes et des intervenants. Ainsi des écoles demeureraient frileuses à l’idée d’en évoquer certains. « Si l’on tente de parler de tout, l’avortement et, plus encore, l’homosexualité demeurent des questions compliquées à aborder », raconte Linda Culot, animatrice depuis quatorze ans dans un centre de planning familial, à Namur. « Dans la pratique, tous les élèves n’ont donc pas un accès égal et neutre aux informations sur la vie affective et sexuelle », déplore Xénia Maszowez.

Le coût des interventions n’est par ailleurs pas intégré dans le budget octroyé aux écoles et leur financement est tributaire des initiatives régionales. Si, à Bruxelles, la Cocof a débloqué un budget annuel de 300 000 euros pour étendre les animations Evras dans les classes, les écoles wallonnes semblent moins bien loties : la Région finance 15 emplois supplémentaires jusqu’en décembre 2014. Et après ? C’est l’incertitude.

Qui pour dispenser ces cours ?

« Les enseignants ne sont pas toujours à l’aise et les élèves ne leur facilitent pas la tâche », constate Linda Culot. Les choses seraient sans doute plus simples si l’école s’ouvrait davantage et plus souvent à des intervenants qualifiés. « Les élèves doivent pouvoir s’exprimer de manière libre et autonome, sans relation d’autorité avec l’intervenant », explique Xénia Maszowez. De fait, quand un planning se déplace dans les établissements, la séance n’a rien d’académique.

Lors d’un « théâtre-forum », les élèves jouent « la pression pour obtenir une relation sexuelle », « la négociation sur le préservatif » ou encore « la grossesse non désirée ». Les élèves sont systématiquement invités à nourrir la discussion et le débat. Et c’est le groupe qui y répond « pour montrer qu’il n’y a pas de réponses toutes faites en matière de sexualité », rappelle Linda Culot.

>>> Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

Avec :

– Sexe : ce que vous cachent vos ados

– Tinder, l’application de rencontres qui cartonne chez les jeunes

– La tendance bi chez les 15-25 ans

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire