Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens: oui, les femmes pètent et font caca. Pourquoi se sentent-elles obligées de faire croire l’inverse ? (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Non, le corps des femmes n’est pas rempli de paillettes et des pétales de marguerites ne s’écoulent pas de leur anus jusqu’à la cuvette des WC. Pourquoi cette honte féminine de la flatulence et de la défécation, comme l’illustre la récente mésaventure de la vedette brésilienne Pocah ? Les stéréotypes de genre, encore une fois…

Peut-être avait-elle forcé sur le chou ou fait une orgie de pois chiches, mais toujours est-il que son côlon était au bord de l’implosion. Toutefois, plutôt que de relâcher la pression, Pocah – une vedette brésilienne de la chanson dont le nom n’a traversé les frontières qu’ en raison de ses déboires intestinaux – s’ est retenue. Tellement efficacement qu’elle avait fini par s’endormir à côté de son amoureux, d’apparence fraîche et pure comme une jeune femme se doit de l’être en présence de l’être aimé. Mais dans son bide, c’était tellement toujours Hiroshima qu’ à 5 heures du matin, ses crampes l’avaient atrocement réveillée au point d’atterrir à l’hôpital.

Diagnostic: trop forte accumulation de gaz intestinaux. Moralité de cette histoire s’étant propagée, en mars dernier, à la vitesse du vent sur les réseaux sociaux: « Aux filles, n’ayez pas honte de péter devant votre partenaire. Car ce qui est vraiment gênant, c’est d’empêcher son mec de dormir parce qu’on a mal, aller à l’hôpital avec lui et être diagnostiquée « pets retenus » », comme l’a confié la chanteuse sur son compte Instagram aux seize millions d’abonnés, avant de supprimer son post.

Mieux vaut laisser libre cours à ses flatulences plutôt que de perturber le sommeil de chéri? ! Pourquoi les femmes se sentent-elles obligées de faire croire que leur corps est rempli de paillettes et que des pétales de marguerite s’écoulent délicatement de leur anus jusqu’à la cuvette des WC? « La honte du caca est réelle, et touche de manière disproportionnée les femmes », écrivait en 2019 le New York Times dans un article très sérieux sur le « poop-shaming ».

En France, en avril 2021, l’institut de sondage Ifop publiait son étude « Caca non grata… Une problématique de genre », dont l’une des conclusions stipule que la crainte de devoir « déféquer dans des situations de non-intimité est systématiquement plus forte dans la gent féminine (56%) que masculine (42%) ». Par exemple, « les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à se sentir gênées de faire caca sur leur lieu de travail ou chez des amis. Et cette gêne est particulièrement vivace chez les moins de 30 ans ».

Les stéréotypes de genre se glissent donc jusque dans les étrons. Cette honte de la flatulence, ce malaise fécal rappellent à quel point les femmes sont éduquées, dès le plus jeune âge, sur le modèle de la pureté et de la propreté. « Des fées garanties sans tripes ni boyaux », écrit Mona Chollet dans son ouvrage Réinventer l’amour (La Découverte, 2021). Un type qui relâche bruyamment la pression intestinale s’en sortira avec un rire gras. Après tout, virilité rime avec saleté (le privilège de pouvoir pisser partout, de porter le même slip deux jours d’affilée, de sentir la transpiration, tout ça tout ça). Une fille n’en sera que mortifiée. Dans l’article du New York Times, l’autrice Sarah Albee raconte qu’au XIXe siècle, aux Etats-Unis, les hommes déféquaient dans la nature où bon leur semblait, tandis que les femmes organisaient un cercle dans les prairies en étirant leurs jupes comme des rideaux, cercle à l’intérieur duquel les ladies venaient se soulager discrètement. L’insouciance vs la contenance.

Pas de quoi en faire des caisses? Sauf que les femmes sont apparemment davantage sujettes aux maladies gastro-entérologiques (à 60%, selon la Fédération européenne du secteur): irritation du côlon, maladie coeliaque, constipation chronique, etc. Les ravages sanitaires du patriarcaca.

La femme est dans le pré

Ce n’était pas un poisson: le 1er avril, l’European Council of Young Farmers a nommé une femme à sa tête, en tant que secrétaire générale, Marion Picot. Qui a dit que le monde agricole était un univers masculin? Depuis 2019, la Fédération wallonne de l’agriculture est aussi présidée par une femme, Marianne Streel.

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Inclure des femmes dans des pourparlers de paix augmenterait de 35% les chances d’aboutir à des accords durables, selon l’ONU Femmes. Pourtant, les négociatrices sont peu sollicitées lors des processus de paix. Entre 1992 et 2018, en marge des conflits mondiaux, elles ne représentaient que 13% des personnes participant aux négociations. Combien de femmes prennent part aux pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine, encore? Ah ben oui. Zéro.

La phrase

« C’est un avortement de rêve. Je le souhaite à toutes les femmes qui doivent passer par là. »

Pourquoi l’IVG devrait-il être systématiquement traumatisant, douloureux, éprouvant? Parfois – et, peut-être même, souvent -, un avortement peut se vivre sereinement, comme le raconte Flora (prénom d’emprunt) sur le blog de l’écrivaine Dominique Costermans. Celle-ci a entrepris une série de portraits de femmes ayant décidé de mettre fin à une grossesse. Dans ces « Impensés de l’IVG » (cinq épisodes jusqu’à présent), chacune y raconte son histoire, ses raisons, son vécu. Au-delà des idées reçues. A lire sur www.dominiquecostermans.be.

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