Michel Delwiche

La prime indigne de Stefaan De Clerck

Michel Delwiche Journaliste

L’indemnité de départ de Stefaan De Clerck pose question. Les accords de gouvernement conclus fin 2011, et signés par son parti, prévoient explicitement la suppression de cette prime en cas de départ volontaire.

Le refus de Stefaan De Clerck (CD&V) de renoncer à ses « indemnités de sortie » va peut-être précipiter la réforme envisagée par l’accord de gouvernement de fin 2011. L’ancien ministre de la Justice et député fédéral Stefaan De Clerck démissionnera en effet le 8 octobre de ses fonctions politiques pour devenir président de Belgacom. Parlementaire ou ministre depuis 1990, il touchera une indemnité de départ de 270.000 €. C’est ce qui est prévu par le règlement de la Chambre. Et l’homme dit qu’il ne comprend pas pourquoi il devrait y renoncer.

En 2009, José Happart (PS) a quitté le Parlement wallon, qu’il présidait, après une carrière parlementaire et ministérielle de 25 ans, commencée à l’Europe. Son indemnité de sortie, établie à 530.000 €, a provoqué un beau tollé. Il faut se rappeler que cet épisode intervenait quelques mois à peine après le controversé voyage du bureau du Parlement wallon en Californie. « Pourquoi devrais-je avoir honte d’une rétribution qui est légale et parlementaire, et qui a été décidée par d’autres que moi? », avait rétorqué le hérisson pour justifier sa décision de prendre son dû en fin de carrière. Une somme qui s’est ajoutée à la pension de parlementaire, qui était alors complète après 20 ans et dépassait les 4.300 € mensuels brut.

Au printemps 2011, le député flamand Sven Gatz (Open VLD) annonçait qu’il allait quitter le Parlement flamand pour exercer la direction de la Fédération des Brasseurs. Son indemnité de sortie, après 17 ans de mandats, était établie à près de 300.000 € brut. En septembre, devant la polémique, Sven Gatz a finalement annoncé qu’il y renonçait.

C4 et préavis

Ces deux cas ont amené les assemblées à revoir leur règlement et à limiter les indemnités spéciales. Le Parlement flamand est même allé jusqu’à supprimer les indemnités de sortie pour les parlementaires quittant leur mandat de leur propre volonté afin d’exercer une autre fonction rémunérée. Au fédéral, la question s’est invitée lors de la rédaction de l’accord de gouvernement conclu en décembre 2011. Considérant que « des efforts sont demandés à tous les citoyens » et que « il est logique que les femmes et hommes politiques contribuent à ces efforts », les négociateurs ont décidé, parmi d’autres mesures, de revoir les indemnités de sortie, et de les supprimer « en cas de démission volontaire en cours de mandat. »

Deux ans plus tard, cette partie de l’accord n’est toujours pas d’application, et Stefaan De Clerck peut donc empocher le pactole. On ne peut rien lui reprocher, sauf peut-être de creuser encore le fossé entre élus et électeurs, d’être en complet décalage avec l’évolution de l’éthique en politique, et de profiter passivement d’un système qui n’a pas été instauré pour des cas comme le sien. L’indemnité de sortie ou de départ a en effet été adoptée pour permettre à un parlementaire qui a perdu son siège de se retourner et de chercher un nouvel emploi. Comme s’il avait reçu un C4 de son employeur et pouvait bénéficier d’un préavis, proportionnel à la durée de sa carrière. L’employé qui quitte volontairement son entreprise n’est pas dans la même situation.

Et que Stefaan De Clerck ait annoncé qu’il allait utiliser cette somme de 270.000 € pour soutenir des initiatives culturelles et sociales dans sa région de Courtrai ne change rien à l’affaire. Outre qu’aucun contrôle de ces intentions affichées ne pourra être exercé, ce n’est pas le rôle de la Chambre de permettre à un ancien bourgmestre évincé lors des dernières élections communales de se grandir par ses largesses devant ses anciens administrés.

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