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La police peut-elle rentrer chez moi le soir de Noël ?

Muriel Lefevre

Suite à la sortie de la ministre de l’Intérieur précisant qu’il y aurait des contrôles du respect des mesures sanitaires pendant les fêtes, de nombreuses questions nous sont parvenues sur le sujet. Les policiers ont-ils le droit débarquer chez nous entre la dinde et le dessert ? Le point.

Selon une étude de l’université d’Anvers, un Belge sur trois ne compte pas fêter Noël en comité très restreint. Une étude qui aura entraîné quelques remous puisque la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), et le Premier ministre ont mis en garde : les autorités veilleront au respect des mesures sanitaires pendant les fêtes. Mais aussi que « la police contrôlera le respect de ces mesures ». « Le cas échéant, en raison de nuisances sonores par exemple, la police sonnera à la porte » précise encore Verlinden. Cette déclaration a provoqué chez beaucoup un relent peu plaisant d’état policier, mais la réalité risque d’être nettement plus nuancée.

La police va-t-elle vraiment débarquer avec fracas dans mon salon ?

Non, il n’y a aucune chance. La police ne va pas sonner à chaque porte pour traquer les contrevenants. Pour entrer dans une habitation privée pour rechercher et constater des infractions aux mesures anti-Covid, la police devra respecter certaines conditions strictes, prévues par la circulaire du Collège des procureurs généraux.

  1. Premièrement, s’il y a une ordonnance du juge d’instruction autorisant une perquisition « mais on n’est pas dans cette hypothèse-là », a déclaré le procureur général de Mons Ignacio de la Serna.
  2. Deuxièmement: la police, pour entrer, doit bénéficier du consentement écrit et préalable de la personne qui réside dans ce lieu.
  3. Le troisième cas de figure concerne le constat d’une infraction aux mesures en flagrant délit. La police pourra alors éventuellement pénétrer dans les lieux mais uniquement si elle dispose de l’accord préalable du procureur du Roi. « Car il y a une condition de proportionnalité à apprécier et le magistrat doit pouvoir vérifier s’il y a des indices sérieux qui laissent penser qu’une infraction est en train d’être commise. »

« Respecter l’interdiction de rassemblement et le couvre-feu est essentiel pour maintenir – tous ensemble – l’épidémie sous contrôle », insiste Johan Delmulle, président du Collège des procureurs généraux. « Notre mission et notre devoir sociétaux consistent à continuer à y veiller scrupuleusement, dans l’intérêt de chacun et par respect pour ceux qui suivent les règles. »

« En réalité, les services de police ne travailleront pas différemment de ce qu’ils font maintenant », nuance Sofie Demeyer, porte-parole de la ministre Verlinden. Ils vont donc fort civilement sonner et vous demander s’ils peuvent rentrer. Et ils ne le feront que s’ils pensent qu’il a quelque chose à vérifier. Par exemple si vous faites beaucoup de bruit. Ou qu’un voisin très amer s’est montré un peu zélé et a appelé la police pour tapage. Ce que confirme Nicholas Paelinck, président du comité permanent de la police locale : « s’il y a une raison de vérifier, ils le feront. Et ce n’est que si la police établit qu’il y a infraction, qu’elle fera un rapport officiel. »

La police peut-elle simplement envahir mon salon, sans mandat de perquisition, par exemple si elle soupçonne que les règles sont enfreintes ?

Là encore « tout dépend de la situation et du type de rapport », précise Paelinck. Il est inscrit dans la Constitution belge que le domicile est un lieu inviolable, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y entrer de force. Paelinck rappelle néanmoins qu’un mandat de perquisition n’est pas nécessaire s’il y a un flagrant délit, ou autrement dit qu’on est pris « sur le fait ».

On notera cependant que le flagrant délit ne suffit pas en tant que tel et que la police doit aussi avoir un motif pour rentrer chez vous. Il faut qu’il y ait des « indications suffisantes qu’il y a infraction ». Par exemple des personnes qui entrent et qui sortent ou, à nouveau, beaucoup de bruit.

Par contre, s’il s’agit d’une fête plus importante du genre grand bacchanale de Nouvel An, dans un lieu fermé, il faut une autorisation maïorale. Dans ce cas, la police peut, par contre, entrer d’office, sans mandat, pour non-respect des normes sanitaires.

Dans les faits, surtout si elle prise sur le fait, la personne va, dans la plupart des cas, tout simplement accepter que la police rentre. En pratique, la plupart des entrées résidentielles sont faites avec l’autorisation du résident, comme cela a été le cas lors de la première vague.

La police peut-elle sonner chez-moi sans raison ?

Oui. Même dans un cadre totalement privé, les policiers ont le droit de sonner chez les gens et de demander à rentrer afin d’effectuer une vérification. Libre aux habitants de ne pas ouvrir.

La police peut-elle m’arrêter sur la route quand je reviens de mon repas de Noël ?

Si vous êtes en Wallonie, vous devez être chez vous entre minuit et 6h. Si vous à Bruxelles, c’est à 22h que vous devrez être de retour à votre domicile. Pour le reste, les forces de la police fédérale seront bien entendu sur les routes pour mener des contrôles d’alcoolémie. Ces policiers ne pourront par contre pas verbaliser en cas de non-respect des mesures Corona puisque cela relève de la police locale. Ils pourront par contre vous faire la morale dans un but de prévention.

Qu’en est-il si je suis en gîte ?

Des milliers de vacanciers affluent vers les chalets situés dans les Ardennes en cette veille de vacances. Environ 85 à 90% des maisons sont occupées. Les gouverneurs wallons et les zones de police vont déployer des patrouilles supplémentaires pour détecter les éventuelles fêtes clandestines et les rassemblements illicites.

« Ce qui nous inquiète, ce sont les grands logements pouvant accueillir de 20 à 25 personnes », soulève Nico Paelinck. « Ces chalets sont souvent logés dans des quartiers calmes. Mais les résidents locaux, respectueux des règles en vigueur, ont tendance à signaler les faits suspects. Et de toute façon, des patrouilles supplémentaires sont prévues, en particulier le soir du Nouvel An. »

Qu’est-ce que je risque ?

Suite au multiplication des « Lockdown parties », les amendes sont dorénavant plus élèvées. Le Collège des procureurs généraux a adopté des directives supplémentaires concernant les infractions aux mesures « coronavirus ».

Les procureurs généraux se montrent plus sévères envers les fêtes clandestines, ou « lockdown party ». Les amendes pour les participants sont en effet relevées de 250 à 750 euros. Pour les organisateurs, elles peuvent aller jusqu’à 4.000 euros. Le parquet peut également décider de citer directement des personnes devant le tribunal correctionnel.

« Le procureur du Roi pourra aussi saisir le matériel utilisé (sono, pompe à bière, véhicule des organisateurs, GSM…). (…) Il aura aussi la possibilité de procéder à la saisie des véhicules des participants. » « Plus personne ne pourra dire: ‘je ne savais pas », a commenté Ignacio de la Serna, procureur général de Mons.

« Les rassemblements visés sont ceux qui, de par leur nature (consommation excessive d’alcool, musique, évènement organisé à l’avance, etc.), le grand nombre de participants et l’état d’esprit des participants, témoignent d’une volonté manifeste de transgresser les mesures prises pour limiter la propagation du coronavirus« , précise la circulaire.

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