Débat en commission de l'Intérieur, lundi 12 juillet. © Belga

La note de la Sûreté de l’Etat sur Ihsane Haouach: « la stratégie du parapluie »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Un experts des Renseignements voit surtout dans ce document une façon pour l’institution de se dédouaner après l’affaire Jürgen Conings. « La question des Frères musulmans hante les Services de renseignement depuis des années », dit-on.

La note de la Sûreté concernant la commissaire démissionnaire du gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité hommes-femmes, Ihsane Haouach, est donc un document de trois pages. Le service de renseignement évoque des « contacts étroits » avec les Frères musulmans, qui peuvent être fortuits. Mais ne met pas le doigt sur un risque de dérive extrémiste concrète et ne retient pas a priori l’idée qu’elle en soit membre.

Pour un expert des renseignements que nous avons contacté, cette note ressemble surtout à une « stratégie du parapluie » après le couac d’envergure de l’affaire Jürgen Conings. Ce qui expliquerait en partie le caractère inabouti de l’enquête, avec la circonstance supplémentaire qu’il est très difficile de démêler le vrai du faux dans les liens avec les Frères musulmans, qui avancent, par définition, de façon masquée.

Notre source rappelle tout d’abord que la Sûreté de l’Etat n’enquête pas systématiquement sur de telles nominations: « ce serait d’ailleurs ingérable de le faire ». Seuls les nominations de ministres, de bourgmestres ou de fonctions politiques fortes sont sujets à un contrôle. Si elle en a pris l’initiative, cette fois, c’est en raison d’indices liés au débat politique important et à des déclarations ‘limites », notamment dans l’interview accordée au Soir où Ihsane Haouach relativisait la séparation de l’Eglise et de l’Etat, affirmant qu’elle pouvait évoluer avec la démogaphie.

« Dans le contexte de l’affaire Jürgen Conings, où les choses ont été faites pour le moins de façon approximative, il semble évident que la Sûreté de l’Etat a décidé de faire ce contrôle pour éviter qu’on ne lui retombe dessus, analyse notre source. C’est un screening réactif, qui ne va pas forcément au bout des choses. » Voilà la « stratégie du parapluie »: de cette façon, on ne retombera pas sur les Renseignements en cas de dérapage ultérieur. « Imaginons que madame Haouach n’ait pas démissionné et qu’elle ait tenu des propos contestables dans un an, par exemple… »

Sur le fond, il est très difficile de faire la part des choses dans le cas des Frères musulmans, souligne notre source. « La question des Frères musulmans hante les Services de renseignement depuis des années« , nous dit-on. Il est très difficile de déterminer qui en fait partie ou pas, il n’y a pas de carte de membre.

Par définition, les Frères musulmans mènent une stratégie d’entrisme dans les institutions. « Je dirais même d’infiltration », dit notre source. En clair: il s’agit de placer des personnes diplômées, de haut niveau, dans les institutions démocratiques pour y mener du prosélytisme et défendre certaines idées. « C’est davantage une stratégie du déguisement qu’une tactique militaire. » Le mouvement s’infiltre, notamment, en profitant de la lutte contre l’islamophobie. Mais là encore, difficile, toujours, de déceler vraiment ce qui fait partie de la stratégie ou pas.

Au-delà de cette affaire, souligne notre source, cette question de l’entrisme dans les institutions démocratiques mériterait bien une enquête plus poussée et une action du politique. C’est ce que plusieurs parlementaires ont d’ailleurs demandé lors des débats des derniers jours. « Mais alors, il faut aller jusqu’au bout. Trop souvent, dans ces questions de radicalisation ou d’intégrisme, on a évoqué le sujet pour ne pas poursuivre par la suite. »

Dans tous les cas, conclut notre source, cette affaire est dommageable: parce que la « cacophonie politique » a donné du grain à moudre à ceux qui sont tentés par un islam conquérant et, en démissionnant, Ihsane Haouach nourrit une stratégie de victimisation sur laquelle les Frères musulmans aiment s’appuyer.

Sans que cela ne préjuge du fait de savoir si la commissaire démissionnaire était une militante convaincue ou une « oie blanche » piégée par un mouvement dangereux.

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