La loi de soutien aux artistes est (enfin) passée
La Chambre a approuvé dans la nuit de jeudi à vendredi en séance plénière la proposition de loi du PS, cosignée par Ecolo-Groen, visant à soutenir les travailleurs du secteur culturel dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Ce vote marque l’épilogue d’un parcours sinueux pour ce texte.
Tous les partis ont voté en faveur du texte, à deux exceptions près: la N-VA a voté contre et le CD&V s’est abstenu. Au décompte final: 110 députés ont voté pour, 24 contre et seulement 10 se sont abstenus.
La proposition permet aux artistes:
- de ne plus subir une diminution des allocations de chômage en cas de cumul avec des droits d’auteurs.
- Elle gèle en outre la période de référence (du 1er avril au 31 décembre 2020) et ouvre des droits à toute une série de professionnels du monde artistique.
- Le texte facilite l’accès aux indemnités de chômage pour tous les artistes et techniciens qui peuvent démontrer soit 10 prestations artistiques et techniques, soit 20 journées de travail entre le 13 mars 2019 et le 13 mars 2020.
Le gouvernement aura en outre la possibilité de prolonger ces mesures provisoires au-delà du 31 décembre si nécessaire, conformément à un amendement du MR. Plusieurs partis auraient toutefois souhaité que ces mesures soient en vigueur jusqu’au 31 mars.
Cette proposition de loi aurait dû être votée le 18 juin dernier. Mais une coalition des partis de droite et du centre flamands avait obtenu que le texte soit soumis au Conseil d’État et à la Cour des comptes. Le premier s’est prononcé la semaine passée et n’a pas vu d’objection juridique importante. La seconde a rendu son avis mardi sur le coût de la mesure, estimé à 80 à 100 millions d’euros l’année prochaine.
Ces deux avis connus, la proposition de loi pouvait revenir en séance plénière pour procéder au vote.
Jeudi, seule la N-VA a rejeté le texte. Le CD&V s’est abstenu. L’Open Vld et le Vlaams Belang, qui avaient soutenu le renvoi du texte au Conseil d’Etat, ont approuvé la proposition.
« Tout le monde doit travailler 312 jours avant d’avoir droit au chômage. Et il faudra expliquer à tous ces gens qu’ils doivent travailler 312 jours… sauf si vous êtes artistes. Et là, 20 jours suffisent. Nous sommes visiblement le seul parti qui soutient l’égalité entre les chômeurs », a expliqué le député nationaliste Björn Anseeuw. « Contrairement aux indépendants, les droits d’auteurs continuent à rentrer », a-t-il encore soutenu dans un propos vivement contesté. « Les artistes peuvent aussi travailler ailleurs. On recherche des jobistes, on demande à tout le monde plus de flexibilité, mais visiblement pour les artistes, on ne peut rien leur demander. »
« La culture a besoin de considération et de respect »
« Le conseil d’Etat a bien dit que l’on ne peut pas parler de discrimination », a rétorqué Vincent van Quickenborne (Open Vld). « Les artistes ne bénéficient pas tous de droit d’auteurs », a renchéri Benoît Piedboeuf (MR).
« Notre satisfaction n’est pas totale », a déploré Julie Chanson (Ecolo), co-signataire de la proposition. « Nous regrettons que les effets de ce texte s’interrompent au 31 décembre. Nous redéposerons un texte en ce sens », a-t-elle promis. Le MR, par la voix d’Isabelle Galant, a aussi appelé à entamer sans attendre l’examen du statut d’artiste. « La culture a besoin de considération et de respect. Et cela passe par des mesures d’urgence, mais aussi des mesures pérenne et une union sacrée au-delà des clivages politiques », a souligné Vanessa Matz (cdH).
« C’est une compétence fédérale par défaut, et c’est sans doute bien une partie du problème. La culture n’est jamais un premier choix et ça explique tout », a de son côté relevé François De Smet (DéFI). « Il est frappant d’observer que sur certains bancs, on parle de chômeurs, alors que sur d’autres, on parle d’artistes. »
Le PS déplore « le temps perdu »
Auteure du texte, Ludivine Dedonder (PS) a rappelé que la proposition avait été déposée dès le 9 avril, « afin d’éviter aux artistes toutes ces difficultés ». « Nous ne pouvons pas les applaudir par beau temps et les ignorer dans la tempête. Les artistes méritent mieux que des discours et des postures idéologiques ». La députée a dit regretter « le temps perdu » et « l’obstruction parlementaire » qui ont émaillé l’examen du texte.
« Chaque jour où cette loi n’était pas votée, c’étaient des familles qui ne savaient pas comment remplir le frigo », a aussi soutenu Nadia Moscufo (PTB).
Plusieurs artistes, dont Jaco Van Dormael, Philippe Geluck et Alice on the Roof, sont venus apporter leur soutien à la proposition de loi en se rassemblant devant le Palais de la Nation à Bruxelles, avant de prendre place en tribune.
En marge de cette proposition, la Chambre a aussi approuvé une proposition de résolution du PS visant à protéger et à mettre en valeur le patrimoine culturel des entreprises publiques.
Vendredi, le Sénat examinera en outre une demande d’établissement d’un rapport d’information concernant le statut de l’artiste.