Claude Demelenne

« La gauche qui porte des oeillères est rarement sympathique » (opinion)

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Pour une partie de la gauche, celle qui se veut ‘pure et dure’, je suis un renégat. Mon crime : j’écris souvent contre mon camp. J’assume. Etre progressiste, c’est d’abord balayer devant sa porte.

Une certaine intelligentsia gauchiste encense le Bien (Jean-Luc Mélenchon, le PTB, l’extrême gauche nécessairement sympathique…) et flingue le Mal (Elio Di Rupo, la social-démocratie, la droite nécessairement ‘réactionnaire’…). Je n’adhère pas à cette vision binaire du monde. Elle fait l’impasse sur les nombreuses âneries répétées en boucle, ces dernières décennies, par l’extrême gauche bien-pensante.

Une longue liste d’errements

Je suis de gauche, mais sans oeillères. Refuser de réciter la fable des Gentils et des Méchants a un prix. Comme l’écrivain Kamel Bencheikh, dont le propos est proche du mien (voir sa carte blanche), je suis parfois considéré comme un Judas par certains de mes ‘amis’ politiques.

Etre brocardé par les penseurs et militants gauchistes n’est pas agréable, mais ne me fera pas rentrer dans le rang. Le combat contre les bêtises de l’extrême gauche est plus nécessaire que jamais. La liste de ses errements récents est longue. On se rappellera l’aveuglement des altermondialistes accueillant Tariq Ramadan comme un prophète, dans leurs forums anticapitalistes. On se rappellera sa fascination ou, à tout le moins sa complaisance pour la dictature du Parti communiste chinois. On se rappellera son soutien sans faille à d’autres dirigeants ‘progressistes’, gouvernant d’une main de fer Cuba, le Nicaragua, le Venezuela.

La cécité de l’extrême gauche

Plus près de nous, on se rappellera la haine des policiers, attisée par la frange la plus radicale de l’extrême gauche. A Bruxelles notamment, lors de plusieurs rassemblements anti-confinement, les responsables du maintien de l’ordre furent désignés comme des quasi-fascistes s’acharnant sur des contestataires doux comme des agneaux. On se rappellera le deux poids, deux mesures de l’extrême gauche sur le terrain sécuritaire. Elle témoigne d’une totale cécité quand des provocateurs balancent des pavés et autres projectiles sur les ‘flics’. Elle utilise, par contre, les dérapages de quelques policiers (qu’il faut bien sûr condamner) pour jeter l’opprobre sur l’ensemble de la profession.

Refus de voir le réel

On se rappellera l’absurde déni de l ‘extrême gauche qui refuse de voir le réel : malgré un taux de pauvreté persistant et qui reste choquant, seul le système capitaliste, diabolisé par les gauchistes, a permis, grâce à l’action de la social-démocratie et de la droite éclairée, l’éclosion d’une sécurité sociale assurant une qualité de vie décente au plus grand nombre. Seul l’Etat Providence, dans sa version social-libérale – au sens large du terme -, attire des populations de la planète entière. Au péril de leur vie parfois, elles tentent de venir vivre mieux dans cet ‘enfer’ capitaliste décrit par les gauchistes.

La vraie radicalité, c’est la nuance

Pour rappeler quelques évidences, ceux qui s’affirment de gauche tout en épinglant les âneries de l’extrême gauche, sont parfois caricaturés en ‘nouveaux réacs’. Ceux-ci seraient coupables d’empêcher le durcissement des luttes anticapitalistes et l’édification d’un nouveau communisme, débarrassé de ses scories totalitaires. Il est permis de ne pas croire une seule seconde à ces lendemains qui chantent. Nous n’avons pas besoin d’une radicalisation gauchiste, qui ne fera qu’attiser les haines. Aujourd’hui, plus que jamais, pour paraphraser Albert Camus, la vraie radicalité, c’est la nuance. Celle-ci demande du courage. Pas des slogans creux.

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