Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: pourquoi la violence, c’est mal

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La violence c’est mal, et le mal c’est pas bien, et jamais il ne faut manquer une occasion de dénoncer le mal et de montrer qu’on est dans le camp du bien.

Et comme en politique il n’y a que des gens bien, eh bien les gens bien sont contre le mal. Et ils sont tous opposés à la violence. A la violence en soi. A la violence envers les personnes, et même à la violence envers les objets, en fait, même envers les objets les plus insignifiants. Toute violence est toujours condamnée.

C’est pourquoi dans nos sociétés politiques contemporaines, celui dont la cause est associée à la violence devient inévitablement méchant, et quitte ainsi irrévocablement le camp des gentils.

C’est pourquoi aussi il ne faut surtout pas dire qu’on est d’accord avec des gens avec qui on est d’accord mais qui ont commis des actes de violence, sinon ceux avec qui on n’est pas d’accord vous traitent de violent, et vous vous retrouvez bien coincé du côté des méchants.

Et c’est la raison pour laquelle, lorsqu’un des vôtres nuit à votre cause en s’abandonnant à un penchant violent, il faut très vite choisir, dans l’empressement le plus contraignant, la communication la plus adéquate.

En fonction de la gravité de l’acte et des échappatoires que la situation autorise, plusieurs techniques sont possibles.

La minimisation consiste à atténuer le caractère violent de l’acte afin d’en faire diminuer l’importance. Exemple: «Mais enfin, ce n’est qu’un panneau de signalisation / un SUV / des cintres / un policier / un étranger.»

La dénégation consiste à nier le caractère violent de l’acte, ou à nier son existence, ou à nier son contenu politique afin de le faire ignorer. Exemple: «Mais enfin, ce panneau de signalisation est tombé tout seul / ce SUV n’a pas les pneus dégonflés / ces cintres lui ont glissé des mains / ce policier a volé sa canette de bière / cet étranger l’a regardé bizarrement.»

La décrédibilisation consiste à se désolidariser de l’auteur de l’acte afin de le faire sacrifier. «Mais enfin, ce fou qui a jeté ce panneau de signalisation n’a rien à voir avec notre parti / ce déséquilibré qui a crevé les pneus de ce SUV n’est pas des nôtres / cette folle qui a jeté ces cintres à terre n’est pas vraiment syndicaliste, elle était en congé maladie / ce manifestant qui a frappé ce policier était saoul / ce criminel qui a tué ces étrangers était membre de notre parti mais n’avait pas payé sa cotisation cette année.»

La diversion consiste à détourner l’attention de cet acte de violence afin de le faire oublier. «Mais enfin, plutôt que de vous énerver sur ce panneau de signalisation tombé / ce SUV crevé / ces cintres jetés / ce policier frappé / ces étrangers tués, concentrez-vous un peu sur les vrais problèmes et regardez ce scandaleux embouteillage / vélo cassé / magasin ouvert par des jaunes / manifestant frappé / étranger méchant.»

La justification consiste à attribuer à quelqu’un qui empêche à votre électorat de conduire sa voiture la responsabilité de l’acte de violence afin d’en disculper vos électeurs. De préférence, sélectionner un responsable particulièrement révoltant. Exemple: «Mais enfin, Elke Van den Brandt n’a fait que 4 320 voix aux élections, de quel droit ose-t-elle mettre des sens interdits dans les rues?»

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