Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: de qui se moquent les moqueurs? (chronique)

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Si un parti d’opposition jouit bien d’un intérêt politique à ce que les intérêts économiques des travailleurs régressent sous cette majorité, c’est bien le PTB.

« De qui vous moquez-vous? » a demandé Raoul Hedebouw à Pierre-Yves Dermagne et Alexander De Croo l’autre jour, à la Chambre, parce que s’il y en a bien un, parmi les cinq centaines de députés que compte notre démocratie consociative, qui n’aime pas qu’on se moque du monde, c’est bien Raoul Hedebouw. Il n’y a pas, c’est vrai, de quoi rire quand on est au salaire minimum et qu’on voit qu’il n’est pas près de progresser, ou quand on travaille bien mais qu’on ne recevra pas de prime, et c’était ce qu’ Alexander De Croo et Pierre-Yves Dermagne venaient annoncer.

« Il suffit de regarder qui est content et qui ne l’est pas », il a dit, Raoul Hedebouw. « Les libéraux ils applaudissent », « clap clap clap », il a fait, « à la FEB ils sont contents, ils ont tout rapporté, tout est dans notre pocket », il a rigolé. Parce que c’est vrai qu’il n’y a pas de quoi rire mais que c’est rigolo quand c’est lui qui le dit, parce que son parti et lui ont développé une expertise scientifique inégalée en dialectique de la moquerie parlementaire.

Le PTB sait si bien de qui se moquer, il sait si bien monter ses moqueries en images animées, que l’essentiel de son activité parlementaire se résume en quelques blagues pour youtubeurs et une batterie d’accessoires de fancy-fair. C’est ainsi que pour réhabiliter la dignité de la politique, un député européen dira que tes calculs sont pas bons Kevin et qu’il faut mettre des paillettes dans nos vies, un président de parti brandira un gant de nettoyage pour soutenir les aides ménagères, des parlementaires monteront à la tribune avec un bol d’eau avec des petits cailloux dedans pour dire que les promesses du gouvernement tombent à l’eau, ou avec une bouteille d’eau sans étiquette mais qui devient bleue quand on la secoue pour montrer que le gouvernement n’a pas l’air de droite mais qu’il l’est en réalité, ou un conseiller communal portera une brique offerte à un bourgmestre pour qu’il construise des logements sociaux, ou des brassards gonflables et un bonnet de bain pour qu’on rouvre une piscine, ou un petit bus en plastique jaune pour que les transports en commun soient gratuits.

Si un parti jouit d’un intu0026#xE9;ru0026#xEA;t politique u0026#xE0; ce que les intu0026#xE9;ru0026#xEA;ts u0026#xE9;conomiques des travailleurs ru0026#xE9;gressent, c’est bien le PTB

La politique est une blague, démontre chaque semaine le PTB au Parlement. Mais le sens comique communiste touche au sublime lorsque Raoul Hedebouw ajoute le deuxième au premier degré, et l’autodérision subtile au burlesque grossier. Quand il demande au Parlement de qui on se moque, il ne se moque pas seulement du Parlement, mais aussi de ceux qu’il dit défendre. Parce qu’un seul parti d’opposition dispose vraiment d’un intérêt politique spécifique à voir les intérêts économiques des travailleurs moqués sous cette majorité, et c’est celui de Raoul Hedebouw, dont chaque mauvaise blague faite aux intérêts ouvriers fait aujourd’hui fructifier les intérêts partisans. Le PTB a construit ses victoires électorales sur les défaites syndicales, et fait grandir son socialisme des petitesses des socialistes. Quand le monde du travail pleure, il rit. C’est lui qui, en vrai, applaudit clap clap clap lorsqu’ Alexander De Croo et Pierre-Yves Dermagne annoncent des mesures trop chiches. Car c’est à lui que ces mesures profitent, plus encore qu’aux patrons qui se mettent tout dans la pocket et aux libéraux qui applaudissent clap clap clap.

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