Carte blanche

La Belgique : seule contre tous pour rejeter la taxe sur les transactions financières

Avant la fin de la semaine, le Gouvernement fédéral pourrait sérieusement mettre à mal un beau rêve européen : celui de la taxe sur les transactions financières, appelée aussi Taxe Tobin.

L’Allemagne, l’Italie, la France, soit les plus grandes économies de la zone euro, ont choisi de faire des concessions pour s’entendre et se donner une chance de combattre les ravages causés par la spéculation financière et boursière.

Mais un pays résiste encore et toujours : la Belgique. Après avoir été un pionnier en 2010, le Gouvernement fédéral n’en finit plus de reporter la mise en application de cette taxe au niveau européen.

La Taxe sur les transactions financières devait entrer en vigueur en 2014. Raté ! Mais promis, on devait se rattraper le 1er janvier 2016. Encore Raté ! Nouvelle échéance le 1er juin 2016. Toujours raté ! Prochain rendez-vous, les 16 et 17 juin lors d’une réunion entre les 10 pays qui négocient cette taxe. Mais la Belgique lance des signaux négatifs depuis plusieurs mois. Un blocage si brutal que certains évoquent même sa sortie des négociations.

De quoi parle-ton ? Plus aucun citoyen ne veut revivre la crise financière de 2008 causée, notamment, par une spéculation sans limite initiée par les banques et les organismes financiers. Cet énorme gâchis a eu pour effet de ramener à l’avant-plan l’idée qu’on croyait enterrée d’une taxe sur les transactions financières.

Son grand intérêt est de freiner la spéculation sur les marchés financiers. Comment ? En imposant à un très faible taux les transactions financières comme l’achat d’une action en bourse ou d’une obligation. Aujourd’hui, elles ne sont pas taxées à la différence par exemple des livrets d’épargne.

En plus de réguler la finance, cette taxe, qui consisterait à prélever entre 0.1 et 0.01% sur les transactions financières rapporterait 34 milliards € par an aux pays de la zone euro. Ce qui pourrait être affecté à des projets ambitieux au profit de l’économie réelle et ainsi soutenir la croissance et l’emploi. On pourrait aussi en consacrer une partie au soutien de la transition énergétique et au financement du développement.

Ce qui coince, c’est la Belgique. En effet, huit pays de la zone euro, dont l’Allemagne et la France, ont intégré la nécessité de réguler la finance et éviter son emballement. Ces huit pays se sont entendus pour mettre en place cette taxe Tobin. Et, un seul donc continue de refuser tout accord. La Belgique tente de saboter la taxe en la vidant de sa substance. Cette attitude menace la participation de petits pays comme la Slovénie qui craint une taxe qui, si on suit la position belge, coûterait plus cher qu’elle ne rapporte.

Pourquoi cette attitude du Gouvernement fédéral? Le ministre des Finances évolue dans ses explications : la crainte d’une fuite des transactions, la peur de déplaire au Grand capital, le risque d’une augmentation de la dette publique, un renchérissement des assurances-vie, … Chaque mois apporte une nouvelle raison de dire non.

Des difficultés qu’ont réussi à surmonter les gouvernements français, allemand, espagnol, italien ou encore néerlandais. Et que le Gouvernement fédéral belge est incapable de résoudre.

Les mauvaises langues diront que cela ressemble fort à de la mauvaise volonté, alors que l’accord de Gouvernement engage notre pays à négocier constructivement la taxe Tobin… En fait, un parti politique au sein de la coalition fédérale ne veut pas de cette taxe et n’en a jamais fait mystère : la NVA. Et les autres partis ? Le MR ? Silencieux ! L’Open VLD ? Rien à signaler ! Le CD&V ? Très discret !

Il reste pourtant une petite chance. Les 16 et 17 juin, huit pays expliqueront qu’ils veulent un accord. 8 pays expliqueront qu’ils veulent mettre des garde-fous à la spéculation et l’emballement du secteur financier. Huit pays expliqueront qu’ils veulent des moyens complémentaires pour combattre la pauvreté et les inégalités et accélérer la transition énergétique. Et la Belgique que dira-t-elle ?

En refusant cette taxe, le gouvernement fédéral enverrait deux messages clairs. Le premier à ses partenaires au sein de l’Union européenne : la Belgique est devenue un partenaire peu fiable et peu soucieux d’équité fiscale au sein de l’Europe. Le deuxième aux travailleurs et aux pensionnés belges : on vous demande de faire des efforts parce qu’il est hors de question de faire contribuer nos amis du capital.

En ces temps troubles, où l’Europe n’assume plus son rôle de pilier, la position belge serait un très mauvais signal qui saperait encore un peu plus la confiance des citoyens envers l’Union européenne !

Hugues Bayet, Député européen

Ahmed Laaouej, Député fédéral

Frédéric Daerden, Député fédéral

Karine Lalieux, Députée fédérale

Dirk Van der Maelen, Député fédéral

Stéphane Crusnière, Député fédéral

Gwenaëlle Grononius, Députée fédérale

Philippe Blanchart, Député fédéral

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