Kris Peeters © Franky Verdickt

Kris Peeters (CD&V): « Bart De Wever n’a pas à se mêler de ma vie privée »

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

La capacité à encaisser de Kris Peeters est légendaire. Depuis 2014, il est vice-premier ministre d’un « cabinet de disputes » très critiqué et, depuis qu’il est candidat au mayorat d’Anvers, on le traite de « l’homme de Puurs ». Entretien avec notre confrère de Knack.

La capacité à encaisser de Kris Peeters est légendaire. Depuis 2014, il est vice-premier ministre d’un « cabinet de disputes » très critiqué et, depuis qu’il est candidat au mayorat d’Anvers, on le traite de « l’homme de Puurs ». Entretien avec notre confrère de Knack.

« Georgette et René Magritte », lit-on sur le mur du vestibule du cabinet de Kris Peeters. Cela ressemble presque à une mise en garde contre le monde surréaliste dans lequel est plongé Peeters depuis quelques années, d’abord comme vice-premier ministre toujours controversé du gouvernement fédéral, puis comme tête de liste et candidat au mayorat d’Anvers. Les observateurs parlent de sa « mission impossible », tandis que Louis Tobback (sp.a) évoque une « tentative de suicide » dans De Tijd. Même son président, Wouter Beke, affirme qu’il « éprouve de la compassion » pour Kris Peeters. Tous se demandent pourquoi Peeters se risque dans la bataille électorale d’Anvers.

Dire que l’homme reste inébranlable, c’est nier la vérité. Si en coulisse, Peeters connaît à fond ses dossiers et négocie âprement, il reste un gentleman quand il s’adresse au grand public. Cependant, l’époque où ses adversaires pouvaient tout se permettre est révolue. Pourquoi Peeters ne pourrait-il pas se mesurer à Bart De Wever (N-VA)? A-t-il déjà oublié qu’en 2012, il n’a pu devenir bourgmestre d’Anvers que quand Kris Peeters est venu à son secours?

Quand vous étiez ministre-président, vous étiez surnommé « l’homme de téflon ».

Kris Peeters: De « béton et téflon » ! Je ne sais pas si j’ai été un jour de téflon et de béton. Beaucoup partent du principe que j’ai la peau dure. Ce n’est pas le cas.

Depuis que je suis devenu vice-premier ministre en 2014, je me suis battu sur plusieurs fronts. L’idée du tax shift n’est pas neuve, elle provient de la fermeture spectaculaire de Ford Genk. En tant que ministre-président, aux côtés des ministres fédéraux du CD&V, Koen Geens (alors Finances) et Pieter De Crem (alors vice-premier ministre fédéral), j’ai pu convaincre le Premier ministre Elio Di Rupo (PS) de l’utilité d’une opération visant à réduire les coûts salariaux. Nous l’avons fait lors du long voyage en avion quand il a ramené les pandas pour Pairi Daiza de Chine. Plus tard, Gwendolyn Rutten (Open VLD) et Bart De Wever se sont opposés à un tax shift. Aujourd’hui, tout le monde se félicite de la baisse des coûts salariaux, mais je me souviens surtout que tout le monde était contre. Il a fallu du sang, de la sueur et des larmes.

Aviez-vous pressenti ce qui vous attendait dans le gouvernement Michel?

Non. Quand, à l’automne 2014, j’ai accepté de devenir vice-premier ministre chargé de compétences passionnantes tels que l’économie, la consommation et le travail, je ne pouvais pas prévoir comment cela se passerait par la suite. Heureusement, j’ai de très bonnes relations avec Charles Michel (MR). En Conseil des ministres, j’interviens dans presque tous les dossiers. Mon cabinet fait un excellent travail de suivi de tous les dossiers présentés par le gouvernement. Dans un gouvernement, il faut suivre chaque dossier, tout comprendre et prendre les décisions. Si nécessaire, je demande des explications à mes collègues.

Vous êtes la Joëlle Milquet (cdH) de ce gouvernement.

Non, je ne suis pas négatif. Mais je suis qui je suis. J’ai commencé ma carrière à la tête du département des études d’Unizo: mon travail consistait à préparer des dossiers et à fournir des arguments. J’ai toujours aimé faire cela et je le fais toujours. Lors de mes premières années en tant que ministre, Yves Leterme (CD&V) m’a appris la musique. Yves était remarquablement fort en chiffres. Si vous ne maîtrisiez pas votre dossier, c’était terminé. Après cela, en tant que vice-Premier ministre, j’ai très bien travaillé avec Frank Vandenbroucke (sp.a) et Dirk Van Mechelen (Open VLD). Nous étions tous les trois un peu de la même trempe: nous connaissions nos dossiers et discutions avec des arguments. Même s’il n’était pas si facile de convaincre un homme intelligent comme Frank Vandenbroucke. (rires) Mes premières années en politique, j’ai pu me défouler par mon travail sur les dossiers.

Qui vous a demandé de déménager à Anvers? Wouter Beke ?

Quand Yves Leterme m’a demandé de devenir ministre flamand en 2004, il a ajouté: « Vous devez bien sûr vous installer à Anvers. Maintenant, vous vivez à Puurs, mais nous y avons déjà Koen Van den Heuvel. Nous avons besoin de vous dans la plus grande ville de Flandre. » J’avoue que dans les années qui ont suivi, je n’ai pas abordé la question. Comme à Anvers, Marc Van Peel et Philip Heylen étaient déjà actifs, je me suis dit: tant que le parti n’en parle pas, je me tais aussi. J’avais les mains pleines avec le gouvernement flamand. Les années ont passé. À moment donné, la question est venue de Marc Van Peel. Lorsque Philip Heylen a décidé d’arrêter la politique en 2016, la pression a augmenté. Nahima Lanjri me l’a demandé, Ariane Van Dooren, présidente du CD&V anversois aussi. À un moment donné, Wouter Beke a également fait la demande. J’ai donc pris le temps de dire « oui ».

Regrettez-vous?

Regretter? Non. Quand je dis: « Je le fais », alors je le fais. Je n’abandonne pas. Les moments les plus agréables sont quand les gens me saluent en disait: « Ah, le nouveau bourgmestre. » Je réponds toujours: « Alors, il faut voter pour moi. » Mais ce n’est pas toujours comme ça. On sait que les Anversois ne mâchent pas leurs mots. Parfois, on me dit dans la rue: « Qu’est-ce que tu fais ici? » Cela me surprend à chaque fois. Certains m’injurient: « Retourne à Puurs! » Alors je pense: quel est le problème? Je viens à Anvers avec les meilleures intentions du monde, j’essaie d’aider mon parti et de développer un bon programme politique pour cette ville.

Comment estimez-vous la situation? Cette aversion contre votre personne est-elle spontanée, ou a -t-on créé un climat hostile?

Je suis convaincu que des efforts ont été déployés pour créer un tel climat. Je suis sûr qu’on sous-estime le fait que les paroles d’un politicien sont rapidement reprises et certaines personnes n’ont plus aucun frein. Parce que les gens voient et entendent ce que les politiciens disent et font. Ils se disent: si le Grand Leader dit tout cela à propos de Peeters, pourquoi ne pourrais-je pas le répéter?

Aujourd’hui, les relations personnelles avec De Wever sont mauvaises.

J’ai demandé plusieurs fois à Bart De Wever à quoi ça servait de continuer à s’invectiver. Peu de temps après, lors d’un débat à Anvers, les choses se sont bien passées. Mais les cinq dernières minutes, il a cherché la bagarre. Une nouvelle fois, c’était à propos de Puurs. Pourquoi est-ce que je vendrais ma maison, j’ai un fils de 25 ans. D’ailleurs, je vis à Anvers. J’ai étudié à Anvers, j’y déjà ai vécu.

Bart De Wever
Bart De Wever © .

Supposons que ça se passe mal pour vous le 14 octobre, vous revenez à Puurs le 14 novembre?

Non. En premier lieu parce que je ne pense pas que cela se passera mal aux élections. Quoi qu’il en soit, je ne retournerai pas immédiatement à Puurs. Je m’interroge sur la valeur ajoutée de ce débat. Bart De Wever n’a pas à se mêler de ma vie privée. Je ne pose pas de questions aux autres politiciens sur leur résidence secondaire. Et il pourrait être un peu conséquent. Il dit s’inspirer du bourgmestre de Rotterdam, Ahmed Aboutaleb. Aboutaleb a quitté Amsterdam pour Rotterdam pour devenir bourgmestre. Alors que Bart De Wever me reproche d’être un faux Anversois, il s’emballe pour un Amstellodamois autorisé à devenir maire de Rotterdam grâce à son expérience et ses capacités. La seule raison sensée que pourrait avoir De Wever de continuer à m’invectiver, c’est qu’il veut miner ma crédibilité.

C’est ce que De Wever semble évidemment vouloir faire.

Il faudrait condamner de telles méthodes. J’ai supposé qu’en allant si loin au-delà des limites de la décence, il se démasquerait. J’aurais aimé voir un peu plus d’indignation de la part du public et de la presse, des voix plus critiques nous avertissant de ne pas continuer sur cette voie, car c’est ainsi que nous nous retrouvons tous sur une pente glissante. En agissant ainsi politiquement, ce style brutal s’infiltre dans toutes les couches de notre société, avec toutes ses conséquences.

De Wever aussi doit encaisser. Philippe De Backer (Open VLD) affirme que De Wever est « émotionnellement incapable d’être maire ».

C’était une déclaration très imprudente de Philippe De Backer. Il fait exactement la même chose que ce qu’il reproche à Bart De Wever. Je trouve que les politiciens devraient mieux surveiller leurs limites.

Philippe De Backer
Philippe De Backer© Belga

Vous réagissez généralement de manière réservée. Pourquoi ne pas répondre par une autre question lorsque De Wever vous demande de vendre votre maison à Puurs: « Avez-vous également demandé à Johan Van Overtveldt de vendre sa maison à Kapellen avant de s’installer à Malines? »

Je n’emprunte pas ce chemin-là. Une fois qu’on est sur une pente glissante, il n’y a pas de retour possible. Je ne veux pas à l’instar de Bart De Wever ou Philippe De Backer succomber à la tentation de condamner un concurrent politique ou de miner sa crédibilité. Pourquoi De Backer a-t-il fait cela? Pour se mettre en avant dans cette campagne?

C’est sa première grande phrase qui fait la une.

Je trouve dommage que cela fonctionne comme ça. Bart De Wever m’a également qualifié de « transmigrant ». Un tel discours est non seulement scandaleux, mais aussi extrêmement dangereux. Il doit y avoir d’autres moyens de manoeuvrer pour attirer l’attention du public, non? Une idée brillante, un grand projet …

Vous vous opposez aux ministres N-VA au gouvernement fédéral, et maintenant vous empoisonnez la viede De Wever à Anvers. De son point de vue, il est tout de même logique qu’il essaie de garder le CD&V petit, même si vous êtes partenaires de coalition?

Je n’ai jamais vraiment compris que Bart De Wever ne voit pas quel rôle positif le CD&V peut jouer pour la stabilité de sa propre position. Un CD&V jeune et dynamique ne peut que renforcer le collège des échevins d’Anvers. Malheureusement, il voit un CD&V plus fort comme quelque chose de négatif. Si vous souhaitez diriger une coalition, il faut aussi donner de l’espace aux autres partenaires. Si le plus grand parti applique sa couleur partout, tôt ou tard, il aura des problèmes.

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