© Belga

Kazakhgate : nouvelle charge contre De Decker, Reynders cité pour la première fois

Le Vif

Dans un article de son magazine M intitulé  » Le Kazakhgate : une affaire d’État « , le quotidien Le Monde publie des révélations à nouveau embarrassantes pour Armand De Decker et pour son entourage. Dont Didier Reynders. Selon l’enquête du journal français, le bourgmestre MR d’Uccle et ancien président du Sénat aurait été rétribué sans avoir rentré d’honoraires.

Le dossier peut être appelé Sarkozy-Chodiev-De Decker. La justice française soupçonne Armand De Decker d’avoir, en 2010, influencé le processus parlementaire belge pour que la loi sur la transaction pénale élargie soit votée juste à temps et puisse permettre au richissime Pathok Chodiev, 62 ans, jouissant de la double nationale belge et kazakhe, d’échapper in extremis à un procès en correctionnel notamment pour corruption. De Decker serait intervenu à la demande de l’Élysée, occupé alors par Nicolas Sarkozy, dont un gros contrat en armement (2 milliards d’euros) avec le Kazakhstan pourrait avoir été conditionné à cet épilogue judiciaire.

Jusqu’ici, Armand De Decker a toujours rétorqué que son bureau d’avocats avait défendu Chodiev, et qu’il n’avait oeuvré d’aucune autre manière sur le parcours législatif. Des documents indiquent que le bourgmestre d’Uccle aurait perçu 734 000 dans cette affaire, ce que De Decker nie farouchement. L’élargissement de la loi sur la transaction pénale a été en tout cas votée à temps, dans des circonstances inhabituelles, et Chodiev n’a plus été inquiété, moyennant le versement d’une amende de 22,5 millions d’euros.

Ce vendredi, dans son article, Le Monde raconte ainsi « l’intervention du maire d’Uccle », y mêlant son conseiller de longue date, Jonathan Biermann (NDLR : par ailleurs avocat au barreau de Bruxelles depuis 2003, échevin MR d’Uccle depuis 2013 aux Travaux, à la Mobilité et au Stationnement et aux Nouvelles technologies, conseiller d’Armand De Decker lorsqu’il était président du Sénat, de fin 2007 à 2012), et… Didier Reynders, alors ministre des Finances et des Réformes institutionnelles notamment et aujourd’hui des Affaires étrangères : « Cet ancien président du Sénat, redevenu avocat, s’est bien mobilisé en faveur de Chodiev et compagnie. « Il nous a conseillés dans le droit constitutionnel belge. Il a rédigé des mémoires. De plus, il se tenait informé de l’avancée de la loi belge, il travaillait avec nous […] J’ai payé Me De Decker, il a participé aux réunions », a révélé Me Degoul (l’avocate française de Chodiev, inculpée en France). Elle indique avoir versé, entre mars et décembre 2011, 734 346 euros à M. De Decker, et 160 000 euros à un autre homme politique belge, conseiller de M. De Decker, Jonathan Biermann.

Souci : comme l’indique le juge Grouman (en charge de l’enquête, en France) dans un document, « aucune note d’honoraires émanant du cabinet » de Me De Decker n’a été découverte. Il poursuit : « Me De Decker n’est jamais mentionné, à l’inverse de ses confrères, parmi les avocats intervenus lors des différentes réunions […] A la demande de M. Étienne des Rosaies (chargé de mission à l’Élysée du temps de Sarkozy et mis en examen en France), il ne fallait pas que Me De Decker apparaisse. » La justice française nourrit donc de forts doutes sur le rôle réel joué par l’homme politique belge. A-t-il vraiment été partie prenante ? S’est-il contenté de faciliter la tâche à Me Degoul ? « Me Degoul allait voir le lobbyiste De Decker qui lui ouvrait toutes les portes, a pourtant confirmé Guy Vanden Berghe (un ingénieur belge à la retraite soupçonné d’avoir joué les intermédiaires entre les Kazakhs et l’Élysée, poursuivi par la justice française lui aussi). Il me semble qu’elle était mise en relation avec De Decker directement de Paris à Bruxelles par téléphone entre homologues du même niveau, Guéant pour la France et [Didier] Reynders pour la Belgique […] Elle me disait qu’elle travaillait ‘avec le Château’, c’est-à-dire l’Élysée. »

Le Monde révèle, aussi « cet e-mail saisi par les policiers : adressé par M. Étienne des Rosaies, le 19 juin 2011, à Nathalie Gonzalez-Prado, assistante personnelle de Claude Guéant. Il est en fait destiné au ministre de l’Intérieur (il commence d’ailleurs par la formule « Monsieur le ministre ») et, à travers lui, au président de la République (« Pour information du PR », précise l’e-mail). « Vendredi 17 juin à 17 h 30, le ministre de la Justice belge a annulé les trois chefs d’inculpation à l’encontre de l’homme d’affaires du Kazakhstan Patokh Chodiev (ami personnel et financier du président ­Nazarbaïev) qui avait sollicité le PR il y a deux ans pour trouver un soutien politique en Belgique en faveur de son ami et ses associés MM. Machkevitch et Ibragimov », résume Étienne des Rosaies. « J’ai donc suivi cette affaire depuis dix-sept mois pour Damien Loras [conseiller diplomatique de M. Sarkozy de janvier 2011 à mai 2012, NDLR] en mettant en place un groupe de travail en Belgique piloté par Catherine Degoul, avocate, en sollicitant le ministre d’État Armand De Decker », ajoute l’ancien préfet, qui affirme encore : « Pour résoudre cette affaire, un texte de loi a été voté il y a un mois, organisé et suscité par Armand De Decker, qui a sensibilisé trois ministres : justice, finances et affaires étrangères. » « M. Chodiev, conclut-il, a une dette – je pèse mes mots – immense à l’égard de la France. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire