Armand De Decker. © Belga

Kazakhgate : Il n’y a plus de pilote dans l’enquête sur De Decker

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La substitute qui mène l’enquête au parquet de Bruxelles sur l’affaire De Decker-Chodiev est en congé maladie pour une longue durée. Sans pilote dans l’avion, l’information judiciaire est-elle paralysée ?  » La continuité de l’enquête est assurée « , affirme le procureur du roi de Bruxelles.

Dans les couloirs du Palais de justice de Bruxelles, il nous revient que Lorraine Pilette, premier-substitut au parquet de Bruxelles et en charge de l’enquête sur Armand De Decker, est en burnout et donc absente depuis quelques jours, pour une durée indéterminée. Ce qui signifie : une période sans doute longue. On sait que le parquet de Bruxelles a ouvert une information judiciaire fin octobre 2014, suite à un procès-verbal rédigé par des enquêteurs de l’OCRC (police anti-corruption), et ce après des révélations publiées dans le journal Le Monde sur le volet belge de l’affaire (voir Le Vif/L’Express du 6 mars 2015).

L’enquête avait alors démarré, lentement mais sûrement. Il faut reconnaître que, vu les personnes impliquées, elle s’annonçait délicate. Mais la substitute Pilette a mené l’information judiciaire avec une rare rigueur, nous dit-on. Et, comme l’a confirmé le parquet de Bruxelles récemment, l’enquête touche à sa fin. Mais, désormais, en l’absence de la substitute, comment clôturer l’information judiciaire? « Le parquet est un et indivisible, réagit le procureur du roi de Bruxelles Jean-Marc Meilleur, qui nous confirme que Lorraine Pilette est bien en congé maladie. La continuité de l’enquête est assurée. Dans des dossiers aussi sensibles, on prévoit toujours une éventuelle absence du titulaire. »

Il n’empêche, si cette information doit déboucher sur la citation directe d’un des suspects devant un tribunal, cela risque de prendre encore du temps ne fût-ce que pour rédiger cette citation. Même si un autre magistrat a suivi l’enquête pour assurer les arrières du parquet, il doit se replonger dans le dossier depuis son début. En aura-t-il la même vision que la substitute qu’il remplace ? Selon nos informations, l’enquête serait reprise par deux chefs de section au sein du parquet. Seront-ils aussi rapides que la substitute, si elle avait pu terminer elle-même l’enquête ? L’information judiciaire ne sera, en tout cas, pas clôturée avant la fin de 2016. Et, si des éléments nouveaux interviennent, elle pourrait même encore durer plusieurs mois…

Or si, malgré les assurances données par le procureur Meilleur, la clôture du dossier s’éternise, cela aura des répercussions sur l’évolution politique de l’affaire. D’abord parce que le président du MR Olivier Chastel a déclaré, ce matin, qu’Armand De Decker ne devrait démissionner de ses mandats qu’en cas d’inculpation ou, peut-on supposer, de citation directe (voir les explications plus loin). Ensuite, parce que le MR risque de conditionner l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire, comme l’exige l’opposition, à la fin de l’enquête pénale. Ce qui retarderait encore l’opportunité parlementaire urgente d’y voir plus clair dans ce qui ressemble de plus en plus à un scandale d’Etat.

Rappelons qu’une information judiciaire est différente d’une instruction judiciaire. La première est réalisée au sein du ministère public, elle peut déboucher sur une citation directe devant le tribunal d’un suspect (qui devient alors prévenu), sans procédure de renvoi devant la chambre du conseil. La seconde est menée par un juge d’instruction, qui dépend du tribunal de première instance, ce qui est considéré comme un gage d’indépendance. La procédure est néanmoins plus lourde, car elle prévoit l’intervention des chambres du conseil et des mises en accusation (en cas d’appel), après que le parquet ait rédigé un réquisitoire sur la base de l’instruction.

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