Armand De Decker © BELGA

Kazakhgate : Francis Delpérée et Armand De Decker, chouchous de l’Ordre de Malte

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La coïncidence ne manquera pas d’intéresser les membres de la commission d’enquête parlementaire qui devrait bientôt se pencher sur le Kazakhgate : son président pressenti, le CDH Francis Delpérée, partage un rarissime privilège avec Armand De Decker. Tous les deux ont obtenu la plus haute distinction civile octroyée par l’Ordre de Malte.

« Je ne suis pas Chevalier de l’Ordre de Malte, je n’en fais pas partie, je n’ai rien à voir avec cette organisation », a déclaré cet après-midi Francis Delpérée à l’agence Belga après une révélation publiée par nos confrères de Newsmonkey. Or, si le Baron Delpérée n’est effectivement pas Chevalier de l’Ordre de Malte, il est assez loin de n’avoir « rien à voir avec cette organisation ». De la même manière, somme toute, qu’Armand De Decker niait toute relation ancienne avec l’institution…

Il n’y a en effet qu’une dizaine de Belges, depuis 1980, à avoir obtenu cet honneur très rare, la Grand-croix au Mérite pro merito melitensi de l’Ordre souverain, Militaire et Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem de Rhodes et de Malte. Cette décoration, la plus prestigieuse parmi celles que l’Ordre décerne à des non-membres -qui ne sont donc, de ce fait, pas forcés d’être catholiques- est décernée à des civils ayant servi son honneur. Parmi cette petite dizaine, quatre politiques : Charles-Ferdinand Nothomb décoré en 1980, Louis Michel (2010), Francis Delpérée (2002) et Armand De Decker (2003). Les deux derniers sont concernés à des titres divers par le Kazakhgate : le premier parce qu’il devrait présider (le CDH ne l’a pas encore confirmé) la Commission d’enquête officialisée hier pour démêler les responsabilités de ce scandale, et le second, bien sûr, parce qu’il en est, jusqu’à présent, le principal protagoniste belge.

Or il se fait que l’Ordre de Malte, dont les représentants en Belgique s’occupent presque uniquement d’actions caritatives, est lui aussi mêlé à la tempête du Kazakhgate.

Son Grand Chancelier, le Français Jean-Pierre Mazery, aurait pris contact en 2010 avec Armand De Decker pour, selon ce dernier « rejoindre un groupe d’avocats belges avec cette avocate française (NDLR : Catherine Degoul), pour un dossier », en l’occurrence celui de Patokh Chodiev.

En 2012, c’est au nom, semble-t-il emprunté, du même Ordre de Malte que Catherine Degoul aurait été effectué un virement de 25.000 euros en faveur de la fondation caritative de la Princesse Léa de Belgique.

Amusant détail: Armand De Decker dit n’avoir fait la connaissance du Grand Chancelier de l’Ordre de Malte que lorsqu’il était ministre fédéral de la Coopération au Développement, entre 2004 et 2007. Pourtant, un an avant le début de son mandat, le même Ordre lui avait déjà octroyé sa rarissime Grand-croix au Mérite, en raison, donc, de services qu’Armand De Decker déclare n’avoir pas encore rendus.

Bref, il est tant question de cet Ordre que ses dirigeants en Belgique ont invité ses membres à éviter tout contact avec la Presse. Et qu’il n’est pas impossible que certains de ses représentants soient convoqués par une commission d’enquête présidée par un député-sénateur que certains de ses représentants ont décoré comme on en décore très peu, Francis Delpérée, censé malmener un député-bourgmestre que certains de ses représentants ont décoré comme on en décore très peu, Armand De Decker.

L’Ordre de Malte réagit

Dans un communiqué, l’institution religieuse, par ailleurs reconnue comme Etat par plusieurs pays, réagit après la publication de différents articles relevant les liens qu’elle entretient avec plusieurs acteurs, belges notamment, du Kazakhgate. L’Ordre de Malte rappelle qu’il « entretient des relations officielles avec le gouvernement belge depuis le milieu des années 1980. Dans le cadre de leurs relations normales avec les instances publiques du monde entier et en particulier belges, tant le Gouvernement de l’Ordre (à Rome) que l’Association belge ont été en contact avec de nombreux responsables politiques belges dans l’exercice de leurs compétences. Parmi ceux-ci, forcément, M. Armand De Decker, en sa qualité à l’époque de Ministre du Développement et M. Didier Reynders, en sa qualité de Ministre des Affaires étrangères. » L’Ordre précise encore que « l’Association belge, par le biais de son ASBL liée « Order of Malta Belgium International Aid », en sigle « MBI », active dans le domaine humanitaire international, reçoit diverses subventions de l’Etat Belge depuis 2006. MBI a utilisé ces subventions exclusivement pour les projets humanitaires d’infrastructures hospitalières et médicales qu’elle soutient au Congo (à Kinshasa et au Sud-Kivu) et en Palestine. L’ensemble des subventions allouées de 2006 (donc bien avant les faits auxquels la presse fait écho) à 2016 à MBI par le gouvernement belge s’élève à 1.479.802 euros. Elles ont été intégralement consacrées aux projets humanitaires précités ». Enfin, « l’Ordre de Malte et l’Association belge des membres de l’Ordre de Malte confirment, après due vérification, que ni l’une ni l’autre de ces institutions n’ont jamais effectué de versement au profit de fondations de la Princesse Léa de Belgique, comme ces Fondations pourront le confirmer elles-mêmes. »

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