Ce dessin montre une discussion sur l'ordinateur portable qui a été confisqué lors des perquisitions après la fusillade de la rue du Dries. © Jonathan De Cesare/Belga

Procès des attentats de Bruxelles: la cellule terroriste avait réfléchi à viser l’Euro 2016 de football ou à un kidnapping

La cellule terroriste responsable des attentats du 22 mars 2016 avait réfléchi à viser l’Euro 2016 de football en France, afin que l’événement soit annulé, ou à kidnapper une ou deux personnes en vue de la libération de « frères » ou « soeurs » comme Mehdi Nemmouche, l’auteur de l’attentat au Musée juif de Belgique le 24 mai 2014. C’est ce qu’atteste un enregistrement audio de Najim Laachroui, l’un des kamikazes à Brussels Airport, diffusé mercredi matin devant la cour d’assises de Bruxelles.

Le fichier audio en question, enregistré entre le 13 et le 15 mars 2016, a été retrouvé sur l’ordinateur qu’avaient jeté les terroristes dans un sac poubelle rue Max Roos à Schaerbeek, d’où les kamikazes et l’accusé Mohamed Abrini sont partis vers l’aéroport le matin du 22 mars 2016.

Najim Laachraoui s’y adresse à « Abou Ahmed », le chef présumé de la cellule terroriste, qui se trouve apparemment en Syrie. Il s’agirait d’Oussama Atar, accusé devant la cour d’assises mais qui y fait défaut. Selon les enquêteurs, il est présumé mort au combat en Syrie. Najim Laachraoui énumère plusieurs idées d’attentats. Il avait ainsi pensé remplir une camionnette ou une voiture de 600 à 700 kg de TATP, pour la faire exploser.

Il demande également à son interlocuteur de mener des tests de TATP sous des rails à Raqqa. « C’est ce qui nous permet d’asseoir nos propos quand on dit que le destinataire est en Syrie« , a commenté Frédéric Vanesse, chef d’enquête adjoint à la police judiciaire fédérale. 

L’artificier de la cellule propose d’y positionner « 3-4 kg » de TATP sous chaque rail. « Si ça fonctionne, on mettra 10 kg sous chaque rail », précise-t-il. Dans une note écrite qui a servi de base pour l’enregistrement de ce message audio, Najim Laachraoui fait référence aux compagnies ferroviaires Eurostar en Angleterre et Thalys en France. Ces entreprises ne sont toutefois pas mentionnées à l’oral.  Le futur kamikaze relève toutefois qu’une telle attaque est compliquée à mettre en oeuvre, notamment car il faut une scie à plasma, très onéreuse, et parce qu’il y a un risque qu’elle soit découverte par du personnel de sécurité. 

Estimant qu’un attentat en Angleterre est « trop risqué », il explique ensuite que les « frères » préféreraient garder la Belgique comme base de repli et se focaliser sur la France, où il serait d’ailleurs bien d’avoir une planque afin de « travailler depuis là-bas ». « Faire des aller-retours chaque fois, c’est beaucoup de risques », justifie-t-il.

La cellule visait plus précisément sur l’Euro de football, qui y a eu lieu aux mois de juin et juillet 2016. Ils auraient agi afin d’annuler la compétition. « Ce serait la première fois qu’un Euro serait annulé de cette façon », relève Najim Laachraoui dans son message audio, précisant que cela engendrerait des pertes financières importantes.

À ses yeux, une telle attaque servirait de « leçon à ceux qui s’engagent dans des frappes contre ‘Dawla’ (l’organisation terroriste État islamique, NDLR) ». Toutefois, si la cellule venait à être débusquée et que les terroristes ne pouvaient « plus bouger », il y a « assez de cibles, ici », « ne t’inquiète pas », assure à son interlocuteur celui qui se fera exploser quelques jours plus tard à l’aéroport de Zaventem.

Najim Laachraoui évoque alors un projet dont il a discuté avec les frères El Bakraoui: le kidnapping d' »une ou deux têtes » en vue de la libération de « frères » ou « soeurs » ayant « travaillé ». Il cite comme exemple Mehdi Nemmouche, l’auteur de l’attentat au Musée juif de Belgique à Bruxelles, et Mohamed Bakkali, l’un des logisticiens des attentats de Paris. « Ce serait une grosse victoire pour ‘Dawla' », ponctue le futur kamikaze.

Pour le chef d’enquête adjoint, ce récit autour de potentielles actions est « structuré, posé, réfléchi ». Les propositions avancées restent toutefois soumises à l’approbation du chef de la cellule, « l’émir » Abou Ahmed.

Le calme de ce premier enregistrement contraste cependant avec le message audio suivant, enregistré la veille des attentats et alors que les accusés Salah Abdeslam et Sofien Ayari ont été arrêtés à la suite de la fusillade de la rue du Dries. Cet affrontement avec les forces de l’ordre avait également coûté la vie à un autre membre de la cellule terroriste, Mohamed Belkaid.

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