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Procès des attentats de Bruxelles: les accusés se rebellent

Ce mercredi matin, alors que la lecture de l’acte d’accusation était en cours, Abrini, Abdeslam, Ayari, Krayem et El Haddad Asufi ont quitté la salle d’audience pour protester contre les conditions de leur transfert. Les deux autres accusés ne sont pas revenus après la pause.

Cinq accusés au procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles et Zaventem ont quitté la salle d’audience au début du troisième jour du procès. Ils l’ont fait pour protester contre les conditions dans lesquelles ils ont été transférés de la prison au bâtiment de Justitia, à Haren, où se tient le procès. Les deux autres accusés qui sont restés dans le box des accusés ne se sont pas présentés après la pause. La présidente du tribunal a suspendu la séance afin que les avocats des deux personnes puissent déterminer pourquoi elles ne se sont pas présentées dans la salle d’audience.

Les cinq personnes qui ont quitté la pièce sont Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari et Ali El Haddad Asufi. « Ils nous humilient tous les jours. Il y a même une caméra au-dessus de nos toilettes ici », a déclaré El Haddad Asufi qui est resté le dernier des cinq dans la salle. « Tout ce qu’on veut c’est parler, tout ce qu’on veut, c’est se défendre« . Mais « tout est fait pour nous briser psychologiquement« , a-t-il ajouté, avant de sortir du box à son tour. El Haddad Asufi, accusé d’avoir fourni une assistance logistique à la cellule terroriste et d’avoir aidé à identifier des cibles, souhaite comparaître devant le tribunal en tant qu’homme libre. L’avocat d’Ali El Haddad Asufi, Jonathan de Taye, avait, lui, dénoncé les génuflexions à nu et annoncé une mise en demeure du ministère de la Justice afin d’obtenir l’assouplissement des mesures de sécurité. 

Ce départ en rangs serrés des cinq principaux accusés, déjà condamnés en France pour leur participation aux attaques jihadistes du 13 novembre 2015, fait planer le risque d’une participation minimale, voire nulle, à l’audience bruxelloise.  La présidente a suspendu l’audience vers 16h, expliquant avoir « quelques lettres à écrire aux services administratifs », avant qu’ils ne ferment « pour la nuit ». 

Les débats doivent reprendre ce jeudi matin avec la poursuite par le ministère public de la lecture de l’acte d’accusation, un résumé des investigations de plus de 450 pages. Les procureurs généraux ont lu en deux jours un petit peu moins de la moitié de ce document. 

La présidente du tribunal, Laurence Massart, a rappelé que ses pouvoirs sont limités à la salle d’audience elle-même. « Mais on vous entend, on espère que tout se passera bien », a-t-elle dit, lors d’un bref échange de mots avec l’accusé. Elle a indiqué qu’elle écrirait dès la pause de la mi-journée aux autorités compétentes. L’accusation s’est également dite choquée qu’il y ait des caméras au-dessus des toilettes. Les accusés Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa ont par ailleurs révélé, en réponse à une question de la présidente de la cour d’assises de Bruxelles Laurence Massart, qu’ils n’entendaient plus de musique lors de leur transfert en salle d’assises. « C’est déjà un début », a déclaré M. Massart.

L’avocate d’Abdeslam, Delphine Paci, a ensuite pris la parole et a déclaré que, suite à la mise en demeure du ministre de la Justice ce mardi, elle avait reçu une réponse. « Mais cela montre que peu de choses vont changer« , a-t-elle déclaré. Les mesures de sécurité contestées, telles que la fouille à nu, la musique forte et le bandeau sur les yeux pendant les transferts, resteraient donc en place. La présidente Massart a ensuite promis de faire pression pour des changements.

« C’est plus qu’un mouvement d’humeur, c’est un ras-le-bol total, c’est l’épuisement », a déclaré en marge de l’audience Stanislas Eskenazi qui défend Mohamed Abrini.  « Ce qu’on demande, c’est qu’on ait un procès équitable. Et pour cela, il faut des conditions sereines », a ajouté l’avocat. 

Crainte

Jamila Adda, présidente du collectif d’avocats Life4Brussels, qui rassemble les avocats de 300 victimes des attentats de Bruxelles et Zaventem en 2016, craint que l’émoi suscité par les conditions de transfert des accusés n’incite ces derniers à ne plus rien dire. « Et certaines des victimes ont besoin de réponses », dit-elle. « Si les conditions sont vraiment si mauvaises, il faut faire quelque chose pour y remédier. Les victimes ne doivent pas être prises en otage par cette situation », a déclaré M. Adda. « Le SPF Justice doit absolument remédier à la situation. (…) Après la saga des box, aujourd’hui, une nouvelle saga risque de mettre à mal ce procès. Il n’est pas envisageable pour nous que les accusés ne prennent pas part à ce procès! », insiste un communiqué de Life4Brussels.

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