Mgr. Johan Bonny © Belga

Johan Bonny, l’évêque rebelle qui ne craint pas les foudres vaticanes

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

 » J’ai honte pour mon Eglise « . Les mots de Mgr Bonny sont forts. Le rappel à l’ordre du Vatican sur la bénédiction des unions homosexuelles vise à freiner une pratique répandue dans certains pays, dont la Belgique.

Les mots de l’évêque d’Anvers sont forts : « J’ai honte par procuration pour mon Église ». « Je ressens une incompréhension intellectuelle et morale ». « Je voudrais m’excuser auprès de tous ceux pour qui cette réponse (du Vatican) est douloureuse et incompréhensible ». Monseigneur Bonny déplore, dans une tribune publiée le 17 mars par le Standaard, le refus de l’Eglise catholique de bénir les unions entre personnes de même sexe. Deux jours plus tôt, la Congrégation pour la doctrine de la foi a réaffirmé la position de l’Eglise sur l’homosexualité, qu’elle considère toujours comme un « péché ». « Dieu ne bénit pas ni ne peut bénir le péché », explique l’institution chargée de « promouvoir et de protéger la doctrine et les moeurs conformes à la foi ». Le Vatican confirme ainsi l’impossibilité pour les couples de même sexe de recevoir le sacrement du mariage, réservé à « l’union indissoluble entre un homme et une femme ».

Le texte est signé par le cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi depuis juillet 2017. Jésuite espagnol, le chef de l’ex-Saint-Office est une figure de la curie romaine aussi puissante que controversée. Juste avant d’être créé cardinal par le pape, il a affirmé l’impossibilité de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes. En 2018, il a été accusé par des médias italiens et français d’avoir insuffisamment oeuvré contre les prêtres pédophiles. Dans le cadre de l’affaire Barbarin, Monseigneur Ladaria a été appelé à comparaître devant le tribunal correctionnel de Lyon pour « complicité de non-dénonciation d’agressions sexuelles ». Le prélat espagnol avait conseillé à l’archevêque de Lyon de prendre « les mesures disciplinaires adéquates (contre le père Preynat) tout en évitant le scandale public ». Le Saint-Siège avait refusé de donner suite à la citation, invoquant l’immunité de Mgr Ladaria.

La position du pape François

Le pape François, souvent loué pour son ouverture envers la communauté LGBTQ, a néanmoins « lui-même consenti » à la parution du document qui maintient la doctrine catholique pour les couples gays ou lesbiens, signale le site Vatican News. Précision : si le souverain pontife argentin s’est montré favorable à l’union civile des couples homosexuels (dans un documentaire diffusé en octobre 2020), il n’a jamais pour autant annoncé soutenir le mariage homosexuel, comme l’ont un peu vite affirmé l’an dernier de nombreux médias et internautes.

Le rappel à l’ordre du Vatican vise avant tout à tenter de freiner une pratique de plus en plus répandue dans certaines régions d’Allemagne, en Autriche, en France et en Belgique. Des prêtres belges célèbrent des mariages homosexuels et n’ont pas pour autant été remis au pas ou sanctionnés par leurs évêques. Pour Mgr Bonny, la position de la Congrégation pour la doctrine de la foi est en contradiction avec les travaux menés par le Synode pour le mariage et la famille de 2015, auquel il a participé.

Johan Bonny précurseur

L’évêque d’Anvers ne peut être suspecté d’opportunisme : dès 2014, il plaidait déjà haut et fort pour une reconnaissance ecclésiastique des relations bi- et homosexuelles. Il était ainsi le premier dirigeant de l’Eglise belge à remettre explicitement en cause le dogme selon lequel l’Eglise catholique ne reconnaît que le mariage homme-femme.

Johan Bonny était alors considéré comme le probable successeur de Mgr Léonard, le très conservateur archevêque de Malines-Bruxelles. Mais le Vatican lui a préféré, en novembre 2015, Mgr Jozef De Kesel, prélat plus consensuel. L’évêque d’Anvers craint-il une sanction du Vatican suite à sa sortie médiatique ? « A certains moments, il faut prendre ses responsabilités, estime-t-il. Je suis responsable de la crédibilité de l’épiscopat catholique dans notre pays. »

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