© Pierre Havaux

J’étais à un tour de carrousel à Linkebeek, et tout est vrai

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Figés dans leur cadre en bois, Philippe et Mathilde ne perdent rien de la scène. D’abord, des cris rageurs, gutturaux : « Faciliteiten, stommiteiten ! » « Linkebeek Vlaams ! » Puis des affichettes, toutes colorées de jaune et de noir, qui fleurissent comme par enchantement : « Dit is Vlaamse Grond », « Welkom in onze Vlaamse gemeente ! »

Enfin, une courte charge policière, largement suffisante pour cueillir à temps deux agitateurs. L’incident est vite clos, les trublions promptement évacués de la salle par les pieds et les bras, non sans avoir opposé une fort molle résistance. Au bout de son clou, le couple royal n’a pas tremblé. Force restera à la loi. Même si faire respecter la loi, à Linkebeek, ne va jamais de soi.

Pas facile de gouverner une commune à facilités. Difficile, quand on est de Linkebeek, de décrocher un  » vrai  » bourgmestre, pour peu qu’il soit francophone.

Ce lundi 8 mai, le conseil communal tente la passe de trois. C’est au tour de la troisième échevine, Valérie Geeurickx, de s’attaquer à l’impossible : trouver grâce aux yeux de l’inflexible ministre flamande de l’Intérieur, Liesbeth Homans (N-VA). Laquelle a d’abord recalé le mayeur tout désigné, le francophone Damien Thiéry, pour une histoire déjà ancienne d’envoi de convocations électorales en français. Puis a remballé le francophone Yves Ghequière, notamment pour son refus de s’opposer à l’usage du français en séance du conseil communal. Non sans avoir, au passage, désigné un  » poulain  » sorti de la lilliputienne opposition flamande de la commune. Las, Eric De Bruycker, vite saisi d’un grand moment de solitude, a eu tôt fait de rendre son tablier.

C’est sûr,  » Madame Niet  » n’entend pas transiger avec les lois linguistiques de Flandre. Quels poux va-t-elle donc aller chercher à cette nouvelle tête francophone qui ose émerger ? Insoutenable suspense.

En attendant, le conseil communal a entériné le plan B du plan B comme une lettre à la poste. Valérie Geeurickx a été plébiscitée à une majorité aussi francophone que stalinienne (13 élus sur la Liste du bourgmestre sur 15). Ni prise de parole, ni ovation pour saluer cet énième tour de carrousel : il est écrit que le mayorat de Linkebeek restera sous pavillon francophone, même virtuellement, d’ici les communales d’octobre 2018.

Comme de bien entendu, la maigrichonne opposition flamande s’est opposée à ce manège. Et comme prévu, la maigrelette assistance flamingante a rugi de dépit. Elle a fait son numéro bien rodé, sous le regard à peine inquiet et le sourire entendu de policiers aussi nombreux que les manifestants. Chahut, expulsions, trois petits tours et puis s’en vont.

Au bout de trois quarts d’heure, les 21 points à l’ordre du jour sont épuisés sans autres accrocs, Damien Thiéry, qui a intégralement présidé les débats en néerlandais, lève la séance. Non sans un hommage appuyé adressé aux forces de l’ordre mobilisées pour la cause. Pas de quoi en faire un fromage. Les élus se dispersent sur la place communale empreinte de tranquillité. Plus un activiste du Taal Aktie Komitee à l’horizon. Il y a longtemps qu’ils avaient levé le camp.

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