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J’étais à un débat sur les pauvres à Charleroi, et tout est vrai

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il fallait se retrouver à 19 h 30 pour parler de lutte contre la pauvreté à Charleroi Ville-Haute, un vendredi soir, à l’invitation du MOC et du théâtre de l’Ancre, et pour ça il fallait du courage.

Alors il y avait Germain Mugemangango, du PTB, venu avec quelques camarades. Et il y avait l’écolo Jean-Marc Nollet, qui était là alors que le Sporting jouait. Et donc vraiment il fallait du courage, alors Paul Magnette (PS), qui avait promis de venir mais qui devait avoir quelque chose d’autre à faire, comme par exemple une vaisselle à terminer ou un ongle incarné à cajoler, avait envoyé son camarade Eric Massin, qui n’aime rien tant que la castagne, surtout le vendredi soir à la Ville-Haute, surtout quand le Sporting joue. Et Eric Goffart ou Véronique Salvi (CDH), sans doute retenus par un empêchement important, comme lire un livre, réfléchir, dormir, ou respirer, avaient envoyé leur camarade Mohamed Fekrioui, qui est bien gentil de faire tout ce qu’on lui demande, mais qui s’en fout que le Sporting joue parce que lui il est pour l’Olympic. Et Olivier Chastel ou Cyprien Devilers ou n’importe quel autre réformateur carolorégien, tous contraints par un agenda surchargé d’émissions de télévision à regarder ou de siestes à ne pas interrompre, s’étaient fait remplacer par leur camarade Georges-Louis Bouchez, pour qui discuter de lutte contre la pauvreté avec des adversaires de gauche devant un auditoire de gauche dans une ville de gauche est un mode de vie.

Alors, bien sûr, tout le monde attendait Georges-Louis. L’animateur de gauche, les adversaires de gauche, l’auditoire de gauche, les supporters de gauche de l’Olympic et ceux de gauche du Sporting – il paraît qu’il y en a. Mais Georges-Louis n’arrivait pas : la berline de Georges-Louis était à court d’essence, là-bas à Chapelle-lez-Herlaimont sur le périphérique. Alors il a fallu attendre que quelqu’un amène Georges-Louis, et il a fallu commencer sans lui. Mais les adversaires de gauche s’attendaient à ce qu’il soit là, alors ils ont fait comme si il était déjà là. Mohamed Fekrioui, qui avait des baskets, disait que son parti n’était pas d’accord avec celui de Georges-Louis. Germain Mugemangango disait que le parti d’Eric Massin serait parfaitement d’accord avec celui de Georges-Louis. Eric Massin, qui disait qu’il était marxiste quoique supporter du Sporting, disait que non. Et Jean-Marc Nollet disait que Georges-Louis allait être content de conclure le débat.

Et c’est alors que Georges-Louis arriva, soulageant des adversaires qui ne savaient plus bien contre qui se porter. A 20 h 24. A 20 h 31 enfin, il parlait, procurant un frisson satisfait dans l’assemblée, pour dire qu’en matière de logement, il fallait bien comprendre la mécanique du marché plutôt que de lancer des fausses bonnes idées. Puis l’auditoire a parlé, Germain Dufour avec son keffieh, Marc avec son pull vert, Pasquale avec son accent. Puis Georges-Louis a encore dit que la meilleure façon de se protéger de la pauvreté, c’était de se trouver un emploi ; et puis qu’il ne fallait pas avoir peur de rouler une heure pour aller se trouver un emploi ; et puis encore que l’accès à la santé était une matière de la plus haute importance mais que lui il n’était jamais malade. Et ainsi, après vingt-cinq minutes de vaporeuse latence, les choses revenaient à leur juste place dans le monde harmonieux qui est le nôtre. Sauf que le Sporting a gagné, et que l’Olympic a perdu. Salauds de pauvres.

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