Olivier Mouton

 » Irresponsable et déconnecté, que fait le gouvernement pour éviter ‘une ère de la colère’ ? « 

Olivier Mouton Journaliste

La crise actuelle de la Suédoise, surréaliste, montre les limites d’une coalition et d’un système. Le temps est venu de changer, radicalement, pour éviter une ‘ère de la colère’.

A vrai dire, il faut prendre le temps de respirer pour ne pas pleurer. Ou pour ne pas crier. La situation actuelle dans nos démocraties confrontées à des enjeux majeurs a de quoi laisser pantois. Chez nous, le gouvernement Michel s’étripe de façon théâtrale sur le Pacte des migrations, alors que les sondages le confirment : personne ne considère que cela vaut une crise. Qu’importe, nous voilà avec un Premier ministre virtuel, qui a certes le courage de se rendre à Marrakech « en personne », mais reste l’otage d’un N-VA s’obstinant de façon hypocrite à rester au sein de son équipe gouvernementale. Surréaliste. Et tandis que les noms d’oiseaux ont volé au Parlement, les appels forts des manifestants climatiques ou des gilets jaunes restent suspendus en l’air, sans réponses. Disposant déjà d’un soutien marginal du côté francophone, la Suédoise sombre, sans gouvernail.

L’exemple français nous pend au nez. Le président et son Premier ministre donnent l’impression de naviguer à vue, eux aussi, abandonnant leur cap face à la violence de la rue, une capitulation en rase campagne, sans pour autant convaincre. Jupitérien, arrogant, Emmanuel Macron a dilapidé le crédit qu’il avait su construire lors de la campagne en se coupant de la base. Et s’il est effectivement urgent de réformer ce pays décidément bien irascible, il y avait certainement moyen de le faire autrement. Le président parle aujourd’hui de co-construction : peut-être l’a-t-il compris, mais un peu tard…

Nos dirigeants semblent perdus face aux urgences de l’heure, suspendus à l’instantanéité des tweets, paralysés par le basculement de pays où la colère gronde et où les populistes l’emportent. Nous, citoyens, ne devons pas pour autant nous dédouaner de nos responsabilités : nous sommes trop souvent simplistes dans nos raisonnements et contradictoires dans nos aspirations (il faut du pouvoir d’achat pour consommer ET moins de taxes à payer ET de bons services publics ET des avions bons marchés pour voyager ET une planète plus saine). Il est grand temps de se ressaisir, s’il n’est pas déjà trop tard.

Chez nous, cette situation ubuesque ne peut pas durer. Personne n’y comprend plus rien. Même les experts (politologues, constitutionnalistes et autres) y perdent leur latin. Il ne s’agit plus de gagner du temps pour sauver une coalition, mais d’en trouver pour développer une vision. La Suédoise a permis de créer des « jobs, jobs, jobs » et d’assurer notre sécurité en période terroriste ? Ce sont des plumes à son chapeau. Mais face au psychodrame actuel, on ne peut s’empêcher de penser qu’il FAUT passer à autre chose.

Dans un premier temps, il s’agit de clarifier les choses. De trois choses l’une. Soit, un : il y a une crise, assumée, et on décide alors de passer par la case « élections anticipées » pour rebattre les cartes et mettre un autre projet sur les rails, sans plus tergiverser. Deux : Charles Michel a le courage d’aller au bout de sa logique et induit une autre dynamique politique via le Parlement. Rappelons que l’alliance MR / N-VA a, en réalité, été initiée au Parlement (sur des questions migratoires, via notamment un accord sur le regroupement familial), durant le flou d’un gouvernement en affaires courantes : une majorité alternative pourrait voir le jour pour faire barrage à ces nationalistes devenus trop fébriles. Trois : Charles Michel restaure son autorité et, pour reprendre les termes durs mais justes de Patrick Dewael (Open VLD), hier à la Chambre, les ministres « ferment leur gueule ou démissionnent » (version trash du plus officiel « on se soumet ou on se démet ») – voire le Premier ministre les révoquent, à l’image de Leo Tindemans dans le passé, comme certains le suggèrent. Peu importe la formule, il faut bouger, proposer une alternative, un projet, une vision, avant que la colère ne se manifeste vraiment. Nous n’avons pas besoin du flou d’un Premier ministre à titre personnel, mais de clarté !

Ce samedi, à Paris, on craint un dérapage encore plus violent du mouvement des gilets jaunes, désormais infiltré par des personnes mal intentionnées. A Bruxelles aussi, les forces de l’ordre, seront sur pied de guerre. Christine Lagarde, directrice générale du FMI, disait cette semaine craindre l’avènement d’une « ère de la colère ». Est-ce cela que les politiques et les citoyens souhaitent ? Ce serait la pire des choses à l’heure où il s’agit de sauver la planète. Et l’humain avec elle.

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