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Inondations: entre impuissance et manque de moyens

Après l’audition à couteaux tirés du gouverneur de la province de Liège Hervé Jamar vendredi matin, c’est Catherine Delcourt, commissaire d’arrondissement de la province et gouverneure faisant fonction lors des inondations de la mi-juillet, qui est entendue cet après-midi par la commission d’enquête parlementaire.

« La sécurité de la population a été notre première préoccupation tout au long de la crise », assure-t-elle d’emblée. Mais de sa chronologie minutieuse des événements, c’est surtout l’impuissance et le manque de moyens que l’on retiendra.

Le 14 juillet, alors que la phase de crise provinciale a été activée après l’enclenchement de plusieurs phases communales et l’évacuation des camps scouts, tous les moyens sont mobilisés. « Je décide de faire venir tout le monde en présentiel au palais provincial. On est physiquement ensemble, dans la salle à manger. Le palais devient un centre de coordination assez étoffé », explique-t-elle.

Les réunions s’enchaînent. Un communiqué, reprenant des consignes de sécurité, est envoyé aux communes. Les informations sont principalement partagées par le réseau radio ASTRID et par téléphone. Le mail, lui, « n’est pas l’outil central », explique Catherine Delcourt alors qu’en matinée, Hervé Jamar avait pointé le fait que certains mails n’étaient jamais arrivés aux communes en raison d’adresse erronée ou d’aiguillage vers les spams.

En début d’après-midi, les pompiers annoncent qu’ils n’ont plus accès au bassin de la Vesdre. Des évacuations sont décidées dans les zones rouges et oranges des cartes d’aléa d’inondations des communes d’Eupen, Baelen et Limbourg.

Peu avant 17h00, la situation continue à se dégrader. Sur le terrain, ni les hélicoptères, ni les véhicules de la Défense ne peuvent intervenir, raconte la gouverneure ff. « Les moyens dont nous disposons sont sous-dimensionnés. On va alors chercher des moyens privés, comme des tracteurs avec remorques et des engins de chantier », poursuit Catherine Delcourt.

Des évacuations supplémentaires sont envisagées mais aucune évacuation générale n’est ordonnée via be-alert « car le message doit être fin, la situation n’étant pas identique d’une rue à l’autre ».

« On commence à sentir l’impuissance et c’est difficile », ajoute la responsable. « On a besoin de moyens adéquats, en particulier d’hélicoptères pour avoir une vue globale des inondations. On en cherche au Luxembourg, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne. La réponse est négative. A 22h53, on nous annonce que le barrage d’Eupen déborde. Dans la nuit, le sentiment d’impuissance s’accroît », en raison de la saturation de la centrale 112 et de l’afflux d’appels de la population sinistrée.

« Les hélicoptères ne volent toujours pas. Les moyens restent inadéquats, insuffisants et pas calibrés pour ce que l’on vit », souligne-t-elle encore.

Le 15 juillet au matin, la cellule d’identification des personnes disparues et des victimes est activée. Parallèlement, « plusieurs bourgmestres me font part de leur détresse. Je n’ai pas de réponse opérationnelle pour eux, malgré tout ce qu’on aura fait pour mobiliser ce qui est disponible. »

Selon la gouverneure faisant fonction, un millier d’hommes (pompiers, protection civile, défense,…) sont sur le terrain le 14 juillet; 1.509 le 15 juillet et 1.434 le 16. Durant ces mêmes jours, le nombre de bateaux mobilisés passe de 22 le 14 juillet à 61 le 15, puis à 55 le 16 juillet. Ce jour-là, 6 hélicoptères peuvent enfin décoller.

« Jamais le temps n’aura été si long. On en est à 48h pour apporter une réponse », résume Catherine Delcourt. « Il est évident que rien de ce que j’ai dit ne traduit l’angoisse de ceux qui ont attendu les secours pendant des heures », estime-t-elle enfin.

Vendredi prochain, la commission entendra notamment les bourgmestres d’Eupen, de Limbourg, de Verviers et de Theux ainsi que leurs remplaçants, le cas échéant, lors des inondations.

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