"L'adolescence est un âge où l'on recherche un sens à donner à sa vie, y compris dans sa dimension spirituelle, souligne Philippe van Meerbeeck. Aujourd'hui, les jeunes cherchent cet idéal sur Internet." © RUDI SEBASTIAN/GETTY IMAGES

« Il faut faire appel à l’intelligence des ados »

Barbara Witkowska Journaliste

Sortie du religieux, manque de repères dans un monde virtuel et angoissant, quête désespérée de l’amour, ombre menaçante de Daech… Les adolescents portent en eux le malaise de la civilisation. D’où l’urgence, pour Philippe van Meerbeeck, de repenser le rôle de la transmission en privilégiant le dialogue, l’explication et la réflexion.

Psychiatre et psychanalyste, le professeur Philippe van Meerbeeck est fondateur du Centre thérapeutique pour adolescents des cliniques universitaires Saint-Luc. Son nouvel ouvrage, Mais qu’est-ce que tu as dans la tête ? (chez Racine), dresse le portrait d’une jeunesse qui ne croit plus en rien et qui est plus encline à basculer dans la radicalité. Au rayon des solutions, le spécialiste prône le retour à la transmission, plaide pour une formation intellectuelle à la pensée de l’islam et pour un apprentissage de l’histoire de la chrétienté. Car le passé assujettit le présent.

Le Vif/L’Express : Votre livre a pour sous-titre L’adolescent et la soif d’idéal. Un idéal quelconque a-t-il encore sa place dans notre société régie par la jouissance de l’instant ?

Philippe van Meerbeeck : L’idéal, au sens noble du terme, mourir pour la patrie, par exemple, n’existe plus. On ne croit plus en rien. L’accent est mis sur l’épanouissement personnel, l’autonomie, la réussite, le bonheur et le devoir d’être soi. Les jeunes n’ont plus de modèle. Le jeune Occidental est sorti du religieux. Il s’agit d’une vraie sortie. On ne sait plus, par exemple, ce que signifie l’Assomption qui est fêtée le 15 août. Cela dit, l’adolescence est un âge où l’on recherche un sens à donner à sa vie, y compris dans sa dimension spirituelle. Aujourd’hui, les jeunes cherchent cet idéal sur Internet. J’ai sous-estimé ce phénomène. Or, il prend de l’ampleur. Les adolescents, parfois de jeunes universitaires, choisissent la filière djihadiste, s’engagent via le Web et sont prêts à mettre leur vie en péril. Pour revenir à votre question, la quête d’idéal est toujours là, mais les réponses ne sont plus les mêmes et on en cherche de nouvelles. Daech est l’une des réponses les plus fanatiques et les plus fascinantes. Un adolescent qui veut croire et cherche une conviction et un idéal dont il a besoin pour grandir se tourne vers Internet où s’engouffrent les gens dangereux, impossibles à cadrer et à contrôler. Un appel d’un pervers de Daech, qui dit : « Si tu veux donner un sens à ta vie, rejoins-nous », peut devenir irrésistible.

Que proposez-vous pour répondre aux besoins criants des jeunes ?

C’est entre les deux qu’il faut agir. Il faut discuter avec eux, expliquer, transmettre, les inviter à réfléchir et les aider à être critiques. Ce n’est pas le petit commentaire qui va suffire. Le rôle des professeurs est certes le plus important mais il ne faut pas négliger celui des parents et des grands-parents. Il faudrait leur parler d’Averroès, ce grand penseur arabe du XIIe siècle, il faudrait leur dire que durant le Moyen Age, époque qu’adorent les adolescents, l’islam pur dominait le monde. Il nous faut aussi apprendre aux jeunes ce qu’était la chrétienté à l’époque de sa splendeur et de son obscurantisme. Il est nécessaire de faire appel à leur intelligence qui est là, potentiellement très grande. Nous avons le devoir de donner aux adolescents des explications et nous avons aussi des moyens formidables pour raconter et pour transmettre.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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