
Il est temps d’agir pour assurer la transition énergétique de la Belgique, avertit Elia
Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Belgique, appelle les autorités belges à agir pour « décider et non pas subir l’avenir ». Il publie une étude mercredi sur le système énergétique belge d’ici 2050, dans le contexte de l’engagement européen à décarboniser la société de 80 à 95% d’ici 2050. Mais également en vue de la sortie du nucléaire prévue pour 2025, qui impliquera une capacité de production supplémentaire d’au moins 3,6 GW selon Elia.
Elia a élaboré trois scénarios pour le futur du secteur énergétique belge. Le but est à chaque fois d’assurer l’approvisionnement et le confort actuels.
Le premier, « Base care », est en ligne avec la politique actuelle. Il permet d’atteindre les objectifs climatiques européens de 2030. Certains secteurs, comme le chauffage ou la mobilité, sont électrifiés.
Le deuxième, « Decentral », mise sur une production complémentaire d’énergie renouvelable grâce à des sources décentralisées: un grand nombre d’installations photovoltaïques est combiné à du stockage d’énergie (batteries). Le consommateur est également producteur d’énergie.
Le dernier scénario, « Large Scale RES », mise sur une production à grande échelle d’énergie renouvelable, notamment via l’éolien onshore (terrestre) et offshore (en mer).
Seuls les deux derniers scénarios, « extrêmes et volontaristes », permettraient d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris.
L’étude montre aussi que d’ici 2050, la Belgique se dirige vers un mix de production, avec un maximum d’énergie renouvelable (en tenant compte des capacités limitées du pays en la matière) et des échanges transfrontaliers via les interconnexions. Ces dernières « offrent une solution robuste », selon Elia. Il plaide pour des interconnexions supplémentaires qui permettraient d’atteindre les objectifs climatiques, de garantir des prix compétitifs et de créer des opportunités industrielles d’exportation pour le marché de la production intérieur.
Des projets existent déjà avec la France, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne (projet Nemo Link, opérationnel d’ici 2019) et l’Allemagne (projet ALEGrO, opérationnel d’ici 2020). Ils porteront la capacité d’interconnexion à 6.500 MW au total, contre 4.500 actuellement. Pour Elia, la Belgique doit aller encore plus loin et se positionner comme un carrefour énergétique de l’Europe. Davantage d’échanges transfrontaliers favoriseraient les exportations et éviteraient « de stopper la production de renouvelable lorsqu’elle est excédentaire par exemple », explique Frank Vandenberghe, project manager chez Elia. Les importations éviteront « une situation de pénurie lorsque les conditions sont moins favorables ».
Cela ne suffira toutefois pas à compenser la variabilité du renouvelable, martèle le gestionnaire du réseau de transport d’électricité. La sortie du nucléaire en 2025 ainsi que la fermeture de centrales au gaz trop vieilles mèneront à la perte de deux tiers de la production électrique actuelle, calcule Elia. Dans chaque scénario envisagé, une capacité supplémentaire de production thermique réglable d’au moins 3,6 GW est nécessaire, ce qui représente la construction de huit à neuf nouvelles centrales au gaz d’ici 2025. Elia précise qu’1 à 2 GW supplémentaires seraient nécessaires pour s’assurer une réserve dans le cas où les pays voisins ne seraient pas en mesure de garantir leur production.
Or, il n’existe pas actuellement suffisamment de signaux d’investissement pour assurer cette capacité supplémentaire, les prix étant trop bas. Sans action, des situations de pénurie, des pics de prix et des graves problèmes d’approvisionnement sont à prévoir. Elia estime, pour 2030, « l’impact sur le prix de gros d’un déficit de capacité de 1,5 à 2 GW sur le marché (…) à 1 à 1,5 milliard d’euros par an ».
Le gestionnaire appelle dès lors les autorités belges à agir au plus vite. Avant de construire de nouvelles centrales, un cadre juridique et légal clair et un mécanisme de soutien sont nécessaires ainsi qu’un aval de l’Europe, souligne Elia. Ensuite, construire des centrales thermiques prend entre 2 et 6 ans, selon la taille envisagée. « Ne pas prendre de décision signifie quasi automatiquement une prolongation du nucléaire jusqu’à 4 GW », avertit Elia. « Il reste juste assez de temps pour (…) constituer la capacité de remplacement », conclut le gestionnaire.