Thierry Fiorilli

Hunger Games : ces Jeux sans fin

Thierry Fiorilli Journaliste

C’est l’affiche d’un film d’anticipation, dont le succès pourrait dépasser celui de Twilight. Mais c’est l’image d’une réalité déjà bien installée. Et sauf le respect du joli minois de la jeune amazone qui l’incarne, ce n’est pas une bonne nouvelle.

LE VISAGE

On ne voit que lui. Celui de Jennifer Lawrence, qui joue Katniss, 16 ans, flamboyante amazone. Yeux d’Asie, grain d’Afrique, moue d’Occident. Le monde est un visage. Sauf qu’ici balafres, frontières et précipices sont éliminés, photoshoppés, effacés. Univers du lisse, même en pleine odyssée. Et ce regard ! Canon scié braqué droit sur nous : il pétrifie et happe. Comme l’index accusateur, les mesures d’économie, le management fort, le corps de notre ennemi, la trahison de nos amours. La mort, quand elle danse du ventre, avant de frapper. Et la bouche ! Presque cousue. Verrouillée, au rouge. Souffle retenu. Comme le silence avant l’apocalypse. Le recueillement après le drame. Les indignés après la colère.

L’ARC

On n’en voit que la corde. Qui coupe le visage en deux hémisphères, pas équitables. Tendue aussi. Parce que l’heure est au combat : 24 ados participent aux Jeux de la Faim. Des jeux télévisés et organisés par Capitole, capitale de Panem, l’ex-Amérique du Nord, qui se venge de la population s’étant soulevée. Principe : il n’y a qu’un gagnant, celui qui reste en vie. Autour, les castings, les coaches, les prime, les duels, les éliminés. Comme sur nos ondes, aujourd’hui. Sauf que les vaincus ne meurent pas encore. Et que les peuples insurgés, à la fin, l’emportent toujours.

LA FLÊCHE

Parce que si on a un arc, autant avoir de quoi l’armer. Sinon, c’est comme avoir plein de diplômes mais pas de boulot et se retrouver à 35 ans chez papa et maman (dont la pension est sang de pierre). « Comment survivre seule dans le désert ? Gagner signifie la gloire éternelle et la fortune. Perdre signifie la mort. » C’est l’un des slogans du film. Et le condensé de nos jours et nos nuits.

LE FEU

Celui des dilemmes. Survivre en tuant ? Gagner en renonçant à son humanité ? Fuir et saigner ? Rendre les armes et courber l’échine ? Reviennent ces mots de Camus, dans un manifeste censuré en 1939 et exhumé par Le Monde samedi dernier : « La vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. » Faites vos jeux.

LE TITRE

C’est celui du roman, en trois tomes, de Suzanne Collins. L’adaptation donnera quatre films. The Hunger Games, c’est une dystopie. Le contraire de l’utopie : il est question d’imaginer le pire des mondes, avec des sociétés qui broient l’individu, lui gobent toute envie de bonheur, se nourrissent de son âme et s’évertuent à lui clouer une et une seule pensée… Ahem.

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