Dave Sinardet

Hommes d’Etat

Les apparences sont souvent trompeuses en Belgique. En quelques semaines, l’image de Bart De Wever dans la presse francophone est passée d’un dangereux séparatiste à celle d’un homme d’Etat. Dans les médias flamands, Elio Di Rupo a subi une métamorphose tout aussi remarquable : autrefois symbole ultime de l’arrogance francophone, il est maintenant, lui aussi, loué pour son sens de l’Etat. Comment expliquer cela ?

Par DAVE SINARDET, Politologue à l’université d’Anvers

Les médias font rarement une analyse en parfaite indépendance, ils se laissent influencer par la communication d’un ou de plusieurs partis politiques. Ensuite, ils sont entraînés par le courant dominant. La N-VA et le PS n’ont plus d’intérêt à entretenir l’hostilité mutuelle. Les grands vainqueurs des élections créent maintenant un climat constructif et affichent leur volonté de trouver une solution. Ou ils font semblant, mais abandonnons provisoirement cette hypothèse.

Car la volonté politique est primordiale. Là se trouvait le noeud du problème ces dernières années. Après tout, les dissensions communautaires auraient pu être surmontées. Pour cela, il aurait fallu concevoir un gouvernement fondé sur un projet commun et sur la confiance mutuelle où les intérêts particuliers de chaque parti auraient rencontré l’intérêt général de la coalition. Voilà la condition sine qua non pour en arriver aux concessions indispensables.

En 2007, faute de projet commun, les intérêts des partis ont donc pris le dessus, avec, comme conséquence, trois années de misère. Au moment des échecs successifs, ce n’étaient pas tellement les Flamands et les francophones qui s’opposaient, mais les partis estimant que la conclusion d’un accord leur profiterait face à ceux qui faisaient un autre calcul.

D’abord, la famille chrétienne-démocrate a joué les trouble-fêtes (Milquet ne voulait pas de l’orange-bleue et le CD&V refusait de laisser tomber la N-VA), puis ce fut au tour des libéraux (le MR était suspendu au FDF et l’Open VLD souhaitait prendre un nouveau départ). De cette façon, on laissait pourrir la situation politique, apportant ainsi de l’eau au moulin de la N-VA. En effet, les blocages étaient toujours attribués au fait que le pays ne fonctionnait plus. Les partis déclinaient ainsi habilement leurs responsabilités et ils seraient donc malvenus de se lamenter du résultat des élections. Surtout le CD&V de Leterme, qui détenait le leadership.

Peut-on s’attendre à du nouveau ? Maintenant que les cartes ont été redistribuées, une nouvelle chance s’offre pour réconcilier les intérêts des partis. Quatre années sans élections se profilent à l’horizon, encore qu’on oublie un peu trop vite les communales de 2010. Qui plus est, Bart De Wever dispose d’une meilleure intelligence politique que Leterme. Vu sous cet angle, le président de la N-VA constitue paradoxalement une moindre menace pour le pays. Encore qu’on peut s’interroger légitimement si un parti qui veut, à terme, la scission du pays voudra vraiment en améliorer le bon fonctionnement. Mais la principale pierre d’achoppement, ce sont cette fois-ci les antagonismes, plus nets que dans le passé, entre les programmes des partis, à cause d’une N-VA en position de force.

Ces dernières années, le manque de volonté politique a empêché la conclusion d’un accord réalisable. Aujourd’hui, la volonté d’aboutir suffira-t-elle à réaliser un accord ?

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