Parc Maximilien, à Bruxelles. © Belga

Hébergeur: « Les autorités doivent délimiter davantage les limites concrètes de l’aide humanitaire »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Ce mercredi 7 novembre s’ouvre au tribunal correctionnel de Bruxelles le procès de plusieurs personnes prévenues de « trafic d’êtres humains et d’organisation criminelle ». Dans ce cadre, Myria, le Centre fédéral Migration s’est constitué partie civile.

Dans cette affaire, il est question de 95 victimes de trafic soudanaises et érythréennes, dont dix mineures. Myria expose les éléments à charge: « le réseau criminel organisait non seulement des transports clandestins vers le Royaume -Uni via les parkings le long de l’autoroute vers la côte belge, mais aussi des trajets de voyage avec des faux documents vers le Canada. Les éléments incriminants dans le dossier ont essentiellement été obtenus par des écoutes téléphoniques. Celles-ci ont révélé entre autres le transport de personnes dans des camions frigorifiques, une pratique qui met les vies des migrants en péril (ex : certains sms ont été envoyés par des victimes qui voulaient être libérées des camions frigorifiques). » Myria s’est constitué partie civile « contre neuf personnes vis-à-vis desquelles le dossier judiciaire rend fortement plausible qu’ils ont retiré ou visé un avantage patrimonial. »

Un dossier très sensible

Le Centre fédéral Migrations détaille que « les actes à la base de ce but lucratif peuvent varier et inclure des services de soutien comme cacher un trafiquant, exécuter des transferts d’argents pour des trafiquants, acheter des cartes SIM en son propre nom pour des trafiquants, introduire des faux documents à l’intérieur d’un centre fermé, agir comme personne de contact entre un trafiquant dans un centre fermé et ses complices… « 

Ce dossier, que les plateformes citoyenne de soutien aux réfugiés ont rebaptisé « le procès de la solidarité  » car elles le voient comme une tentative de criminaliser l’aide aux migrants présents sur le territoire belge, est très sensible rappelle Myria.

Certains en parlent aussi comme d’un « procès de l’amalgame ». Le parquet de Termonde, qui a procédé à l’enquête, a en effet mis bénévoles et hébergeurs belges (dont Myriam Berghe et Anouk Van Gestel, deux journalistes), personnes en situation illégale, et présumés trafiquants d’êtres humains dans le même panier, ne faisant aucune différence entre les profils, et renvoyant tous les prévenus devant le tribunal pour les mêmes faits.

Pour Myria, qui ne se constitue pas partie civile contre les trois femmes prévenues dans le dossier (les deux journalistes et Zakia Siouda, une assistante sociale Belgo-marocaine), il est important que cette affaire détermine qui est impliqué, comme auteur, co-auteur ou comme complice, dans le trafic d’êtres humains, l’une des activités criminelles les plus lucratives à l’heure actuelle. « D’abord parce que cette affaire démontre une fois de plus que les réseaux de trafic sont professionnels et flexibles, par l’exploitation de tous les moyens pratiques et humains à leur disposition. Ensuite parce qu’elle pourrait révéler comment des trafiquants peuvent manipuler certains citoyens en les intégrant dans leur modus operandi. »

Quid de l’aide à la migration illégale sans but lucratif ?

Mais à côté de ces actes condamnables de trafic d’êtres humains, l’affaire pose une autre question: celle de la simple aide humanitaire envers des migrants en situation illégale, lorsqu’aucun but lucratif ou aucune implication directe de trafic ne peut être invoqué. « Dans ce cas on arrive en effet sur le terrain de l’aide (potentiellement) punissable à l’immigration illégale« , déclare Myria.

Myria souligne la difficulté du sujet et espère que ce procès précise le contenu et la définition du caractère humanitaire ou non d’une certaine aide à la migration illégale. La difficulté étant qu’il existe peu de jurisprudence sur l’aide punissable à la migration illégale en tant que délit isolé. Myria regrette qu’à ce jour, le caractère strictement humanitaire ne soit pas encore suffisamment clair: « cela met les citoyens et les organisations qui offrent une aide humanitaire aux migrants devant des dilemmes et des problèmes réels.« 

Le Centre fédéral Migrations recommande dès lors que les autorités informent mieux sur cette matière complexe et sensible: « Il est extrêmement important que les autorités donnent des signaux non-équivoques selon lequel offrir de l’aide humanitaire en hébergeant des migrants est possible, permis ET respectable. Il est tout aussi important que les autorités délimitent davantage l’étendue et les limites concrètes de cette aide humanitaire ». Car il s’agit aussi de «  rassurer les citoyens qui veulent offrir de l’aide humanitaire, en hébergeant des migrants chez eux, tout en les convainquant résolument de s’abstenir de tout trajet, tout acte, toute transaction pouvant être associé à un processus de trafic« , conclut Myria. La décision du tribunal est donc scrutée par tous les bénévoles qui aident et hébergent des migrants en Belgique.

Lire plus d’infos sur le « procès des hébergeurs »

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