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Harcèlement scolaire, un fléau qui a toujours existé

Le harcèlement à l’école est sans doute l’une des plus grandes peurs des parents. Tous en ont entendu parler lors de la médiatisation, malheureusement de plus en plus fréquente, de faits divers tragiques. Tour d’horizon d’un phénomène de société vieux comme le monde ou presque.

Début décembre 2015, une adolescente de 12 ans, originaire de Durbuy, mettait fin à ses jours… Dans une lettre adressée à ses parents, elle confie avoir été victime de harcèlement, expliquant qu’elle « n’a pas supporté une trahison d’amitié, qui l’a amenée à être harcelée sur les réseaux sociaux, notamment, et par messages » explique sa maman. Et de souligner que c’est le « harcèlement d’une seule personne, qui a abouti à un drame ».

En 2013, c’est le cas tragique de la jeune Marion Fraisse défrayait la chronique. Entre ces deux dates, combien d’ados et de jeunes qui se sont faits broyer par cette pression.

L’histoire de Marion Fraisse est malheureusement de plus en plus courante: une jeune fille, sans histoire apparente, se suicide. Victime de harcèlement à l’école, l’adolescente a été « poursuivie » via les réseaux sociaux jusque dans sa chambre où elle mettra finalement fin à ses jours. Insultes, menaces physiques, menaces de mort et impossibilité d’en parler, l’enferment dans un silence qui finira par l’étouffer.

Depuis sa mère, Nora Fraisse, se bat pour mieux faire connaître et reconnaître ce fléau. Le livre Marion, 13 ans pour toujours (1) relate la vie et le calvaire de sa fille et Stop au harcèlement (2), le deuxième livre de Nora Fraisse, est un ouvrage composé de témoignages. Car, aussi tragique soit-il, le cas de Marion n’est malheureusement pas isolé, loin de là. Le cas de Marion est presque … banal de nos jours.

« Le phénomène du harcèlement à l’école a toujours existé », déclarait, en 2014 sur le site de La Libre, Bruno Humbeeck chargé de recherche à la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation de l’UMons. « Mais ce qui change, c’est la tolérance au harcèlement. »

Un des effets de la médiatisation du harcèlement à l’école, c’est que c’est désormais tolérance zéro pour ce phénomène. Les parents ne laissent plus rien passer et mettent la pression sur les écoles qui sont désormais obligées de s’en occuper et d’y mettre bon ordre. Ce qui passait jadis pour des « chamailleries de mômes » et n’obtenait que peu d’attention du corps professoral n’a plus droit de cité dans les cours de récré.

Quelques chiffres…

La réalité des chiffres concernant le harcèlement scolaire fait froid dans le dos ! On parle de 700.000 enfants en souffrance par an en France (L’Obs 4/11/2015). L’Express révèle, quant à lui, dans un article de 2015, que selon une étude menée auprès de 18.000 jeunes, 10% des collégiens (les élèves de 11 à 15 ans) rencontrent des problèmes de harcèlement scolaire, et pour 6% d’entre eux ce harcèlement peut même être qualifié de sévère. Des études européennes parlent, elles aussi, de 8 à 15% des jeunes scolarisés qui sont concernés par ce phénomène.

Et la Belgique n’est pas exclue de ces sombres statistiques. Selon une étude menée par un chercheur et enseignant à la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation de l’UCL, Benoît Galand, le phénomène du harcèlement scolaire est plus présent dans notre pays à la fin du primaire et au début du secondaire. Il a interrogé quelque 6 500 élèves de la 3e primaire à la 6e secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, et souligne que « 20 à 30 % des jeunes sont impliqués dans le harcèlement. Parmi eux, environ 15 % sont plutôt victimes de harcèlement, quelque 10 % sont des harceleurs tandis que 5 % sont des harceleurs-victimes« . Ces harceleurs-victimes sont en fait d’anciennes victimes de harcèlement qui sont passé du côté obscur si l’on peut dire…

Reconnaître l’ennemi

On peut définir le harcèlement comme des paroles blessantes accompagnées ou non d’actes violents de la part d’un élève ou d’un groupe d’élèves envers un de leurs camarades. Ces paroles et/ou actes sont répétés et ne laissent aucun répit à la victime. Cette violence peut être aussi bien physique que verbale ou encore psychologique.

Pour désactiver cette spirale dangereuse, il faut d’abord détecter le harcèlement, car l’enfant-victime ne viendra que très rarement rapporter les brimades et autres stigmatisations dont il fait l’objet.

Les alertes sont souvent identiques, mais elles peuvent parfois passer inaperçues, ou être moins visibles :

1. Si le comportement de l’enfant change du tout au tout et passe d’un extrême à l’autre. Il arrive très souvent que la victime de harcèlement se mette en « retrait de la vie » : elle se coupe de toute vie sociale qu’elle affectionnait avant ; en ne fréquentant plus son club de sport par exemple, voire même en s’éloignant de sa famille et de ses « intimes ».

2. L’apparition de symptômes physiques, mais qui sont de l’ordre du psychosomatique, est également une alerte ; par exemple des maux de ventre, de tête, vomissements, nausées… Un enfant ou un adolescent qui refuse catégoriquement d’aller à l’école alors qu’avant il y allait volontiers, ou alors qui fait l’impossible pour y arriver à la dernière minute, ou qui demande la présence d’un parent jusqu’au moment de la sonnerie afin de ne pas rester « seul » avec les « autres ».

3. Si l’enfant met tout en oeuvre pour éviter de montrer une partie de son corps, ses bras par exemple, en portant même en plein coeur de l’été des manches longues, afin de « cacher » les hématomes, blessures ou morsures qui lui ont été infligés.

4. La fréquence à laquelle des vêtements ou des objets personnels sont soit disant « perdus » ; déchirés ou abîmés par le harceleur, l’enfant harcelé préfère déclarer égarés afin de ne pas devoir parler du harcèlement dont il est l’objet. Ceci pourrait faire croire dans un premier temps à du racket, mais le harcèlement diffère en cela, car contrairement au racketteur, le harceleur ne veut pas posséder l’objet en question, mais juste le détruire, l’abîmer.

Nouvelle forme de harcèlement, le cyber harcèlement

Avec l’omniprésence des réseaux sociaux et la génération des « digitals natives », le harcèlement scolaire a pris un nouveau visage, le cyber harcèlement.

Aujourd’hui, le harcèlement quitte les cours de récréation, ou les alentours des écoles, pour s’étendre jusque dans les foyers. Avec l’avènement d’Internet et des smartphones, le harcèlement scolaire ne laisse plus aucun répit aux jeunes victimes. Comme pour Marion Fraisse, il les suit chez eux. Il est présent tout le temps, jour et nuit.

Les cas de cyber harcèlements sont de plus en plus nombreux, tant il est facile d’insulter et de maltraiter un individu caché derrière son écran. D’après une enquête de Child Focus « 1 jeune Belge sur 3 (34,3 %) a déjà été victime de cyber-harcèlement, 1 sur 5 (21,2 %) reconnaît avoir été cyber-harceleur, et 76 % des 12-18 ans ont été témoins d’une situation de cyber-harcèlement sans y être impliqués activement. » (Le Vif 14 novembre 2014).

Réagir en sachant à qui s’adresser

Il est rare qu’un jeune, victime de harcèlement, se confie. Ce n’est pourtant pas l’envie de faire stopper tout cela qui lui manque ! Cette interdiction d’en parler, l’ado se l’impose à lui-même par peur d’éventuelles représailles, par honte aussi. Deux blocages qui font qu’il ne « peut » pas en parler.

Parfois aussi parce que le jeune se dit que « ce n’est pas si grave que cela ». En effet, les brimades dont il est victime ne sont pas « si sévères » comparées à ce qu’il a déjà entendu dans les médias… Pourtant c’est leur répétition, tel le supplice de la goutte en quelque sorte, qui poussera la victime dans ses derniers retranchements.

Il est donc primordial que l’adulte, qui se rend compte du harcèlement, ne brise pas le dialogue avec le jeune. Dialogue qu’il sera sans doute difficile à établir. Il doit chercher à en savoir plus, mais sans brusquer l’adolescent. Là est toute la délicate question de poser des questions sans en avoir l’air et en évitant la manière intrusive ou trop directe, de peur de voir la victime se fermer… et nier toute forme d’harcèlement.

Prendre la tangente en l’interrogeant de manière détournée, sous forme d’hypothèse par exemple, ou lui tendre des perches en racontant ce qui est arrivé à d’autres enfants (des faits divers entendus récemment ou qui se sont passés dans l’entourage) afin de lui permettre de s’exprimer lui aussi, de raconter petit à petit son vécu.

Il faudra apprendre au jeune à mettre des « mots sur ses maux » car au plus profond du gouffre du harcèlement il n’en sera pas capable.

Le site Enseignement.be donne des pistes aux enseignements qui seraient confrontés au harcèlement scolaire, mais également des pistes aux parents pour s’informer et se faire aider afin de lutter contre la stigmatisation de leur enfant à l’école.

(1) « Marion, 13 ans pour toujours », de Nora Fraisse (Calmann-Lévy)

(2) « Stop au harcèlement: Le Guide pour combattre les violences à l’école et sur les réseaux sociaux », de Nora Fraisse (Calmann-Lévy)

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