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Grèce : le jeu de rôle calculé des Belges

Le Vif

Le N-VA Van Overtveldt a soutenu l’Allemagne. Le Premier MR Charles Michel a contribué à éviter le Grexit. Le CD&V a défendu une ligne modérée. Et Verhofstadt a réclamé plus d’Europe. Le psychodrame grec fut, aussi, une métaphore de notre politique.

En cours de négociation, plusieurs journaux européens, et non des moindres (Le Monde, The Guardian, Die Welt), ont classé la Belgique dans le camp des « faucons » partisans d’une ligne dure face à la Grèce, voire soutenant le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, dans sa quête d’une exclusion pure et simple de la Grèce de la zone euro. Une rupture avec l’histoire très fédérale et modérée de notre pays. Cette « classification » médiatique a été relayée avec délectation par l’opposition de gauche francophone. Elle a aussi, jusqu’à un certain point, semé le doute au sein de la majorité fédérale.

Le CD&V a surpris tout le monde en relayant partiellement les doutes de l’opposition socialiste, francophone et flamande, endossant à nouveau les habits d’un « nouveau PS ». Tour à tour, les députés Steven Vanackere et Roel Deseyn, qui ne sont pas par hasard des représentants de l’aile gauche ACW du parti, ont posé ouvertement la question au Premier ministre, Charles Michel : « Par le passé, nous, Belges, ne nous sommes jamais profilés comme des hardliners, des partisans de la ligne dure. Pouvez-vous nous assurer que ce ne fut pas le cas cette fois-ci ? » Et d’exprimer leurs craintes au sujet de l’avenir des politiques sociales menées en Grèce ou de la nature équilibrée de l’accord intervenu avec l’Europe. L’expression des sociaux-chrétiens flamands s’enracine dans la tradition européenne de leur formation politique : Herman Van Rompuy, Jean-Luc Dehaene ou avant eux Leo Tindemans ont joué un rôle clé dans l’histoire de l’Union. Au vu des événements des dernières heures, peut-être nourrissent-ils en outre quelques regrets d’avoir préféré en septembre 2014 le poste de commissaire européen pour Marianne Thyssen à celui de Premier ministre. Coincés dans la majorité fédérale, ils s’impatient enfin sur le plan intérieur de ne pas voir le « tax-shift ». Un chemin de croix.

« Je n’ai pas apprécié ce qui a été dit, rétorque le Premier ministre, avec l’air grave de celui qui a osé prendre ses responsabilités. La ligne de la Belgique a toujours été très claire : le soutien à la présence de la Grèce au sein de la zone euro, une forte solidarité européenne et un appel à une forte prise de responsabilité des autorités grecques. Je vous le dis droit dans les yeux: nous nous sommes opposés au Grexit. Avec six ou sept collègues, nous avons tout fait pour éviter la faillite totale ou l’aventure. »

Interrogé à la VRT, le ministre N-VA des Finances, Johan Van Overtveldt, s’est lui aussi défendu d’avoir choisi son camp. « On ne peut pas diviser l’Eurogroupe en un camp des faucons et un camp des mauviettes, défend-il. J’étais d’accord avec certains arguments du ministre Schäuble et avec d’autres pas. Tant M. Schäuble que le ministre français Michel Sapin ou moi-même avons apporté des éléments pour trouver un compromis. Et au final, la proposition a été adoptée de façon unanime. » CQFD. « Lors des négociations, le ministre belge n’a fait que répéter que les propositions grecques sur la table étaient insuffisantes », indiquaient toutefois le week-end dernier des sources proches des négociations. Et lors du débat en commission parlementaire, les députés N-VA ont lourdement insisté sur l’importance du volet « responsabilités » de l’accord, tandis que les libéraux flamands mettaient en avant les réformes structurelles nécessaires en Grèce. Un jeu de rôle, jusqu’au bout…

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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