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Gestion de la crise en maisons de repos : comment mieux se préparer à l’avenir?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Le bilan de la crise sanitaire en maisons de repos n’a pas laissé indifférent et a permis de mettre en lumière quelques problèmes structurels à corriger. Mais quels sont les points à améliorer et comment ? La réponse du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique.

La crise sanitaire a lourdement touché divers secteurs du pays, en particulier les centres de soins résidentiels, qui ont relevé unnombre particulièrement élevé de décès durant la première vague.Outre les seuls facteurs épidémiologiques – le covid étant plus dangereux et létal pourles personnes âgées dont la santé est déjà fragile -, d’importants facteurs structurels et conjoncturels ont également joué un rôle.

La gestion de l’épidémie de covid dans les maisons de repos en Belgique a été à ce point « dramatique » qu’elle a rapidement été qualifiée de « crise humanitaire » par l’organisation Médecins sans frontières (MSF). Divers rapports ont fait état de plusieurs manquements éthiques, le premier ayant trait à l’inégalité de traitement dont les personnes résidant en maison de repos ont été victimes, non seulement par rapport à la population générale mais également par rapport aux personnes âgées vivant à domicile.

Un précédent rapport de MSF précise notamment que des « ambulanciers avaient reçu des consignes de leurs hôpitaux de référence de ne pas prendre les patients de plus d’un certain âge, souvent 75 ans mais descendant jusqu’à 65 ans parfois « .

Réorganiser les soins de A à Z

Mais si une telle situation a pu effectivement advenir, elle a été de toute façon ponctuelle et nullement systématique, précise toutefois le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique, qui s’est penché sur cette problématique. Le Comité vient de publier un avis relatif à l’égalité de traitement et l’autonomie des personnes résidant en maison de repos en contexte de pandémie (de) covid.

Pour le Comité, le noeud du problème est clair : « la multiplicité des lieux de décision, notamment liée à la structure fédérale du pays et à la multitude des acteurs institutionnels de la santé, a rendu la gestion de la crise particulièrement compliquée.  » Afin de donner quelques pistes pour s’attaquer au problème, le Comité a émis quatorze recommandations subdivisées en 3 grands thèmes.

1. Respect de l’autonomie des personnes âgées

  • Le mot d’ordre du Comité : anticiper ensemble. Il ne suffit pas de prendre des décisions pour les patients à la dernière minute mais bien de réfléchir ensemble (avec les patients, les médecins, les proches…) et surtout au préalable aux diverssoinset traitements médicaux personnalisés dont ils auront besoin à l’avenir. Il convient donc de s’engager davantage à développer et déployer le projet de soins personnalisé et anticipé (PSPA).
  • Les droits des citoyens et des patients doivent être respectés en toutes circonstances. Tous les acteurs de la vie en maisons de repos – qu’il s’agisse des patients eux-mêmes, de leurs proches ou du personnel médical (à tous les niveaux) – doivent être associés aux décisions prises et pouvoir envisager ensemble comment faire face aux difficultés qui les concernent.
  • Un cadre pour la prise de décision éthique est nécessaire.

2. Valorisation des professions du soin

  • Le rôle du médecin coordinateur et conseiller doit être reconsidéré et généralisé. Son rôle est notamment de coordonner l’activité médicale en cas de risque (comme une pandémie, par exemple), d’encadrer le personnel soignant ou le suivi médical des patients. Il peut également intervenir dans le processus d’admission et la prise en charge des patients.
  • Les médecins traitants doivent pouvoir, à tout moment, assurer le suivi médical de leurs patients. L’accès aux maisons de repos doit donc leur être garanti, quelle que soit la situation et sans restriction.
  • Une équipe de plusieurs professionnels de la santé (gériatre, psychiatre/psychologue, neurologue, dentiste, pharmacien…) doit être mise en place dans chaque maison de repos afin de déployer une politique de gestion cohérente. Le tout, en collaboration avec le médecin traitant et en tenant compte des droits des patients/résidents.
  • Les professions de soins doivent être revalorisées. Et cela passe notamment par une augmentation du salaire, la révision des normes, une amélioration des conditions de travail…
  • Mieux former le personnel soignant, notamment aux aspects qui ont trait à une crise sanitaire. Cela concerne par exemple l’hygiène, la prévention et le contrôle des épidémies, les soins gériatriques, les soins palliatifs… mais également la prise de décision partagée, le respect de l’autonomie des résidents dans les choix individuels et collectifs.
  • Garantir un soutien psychologique, pas uniquement aux résidents des maisons de repos mais aussi au personnel (soignant ou pas).

3. Amélioration de l’infrastructure et de l’organisation des soins

  • Un matériel suffisant – ce qui implique la constitution de stocks par les institutions et les autorités – et des protocoles clairs, stables et opérationnels sont nécessaires. Les pénuries de matériel observées durant la crise ne doivent plus se reproduire.
  • Des directives claires, uniformes, identiques pour le pays devraient être prévues et pouvoir être activées en cas de nouvelle crise. Notamment quant aux décisions d’hospitalisation, qui ont manqué de clarté durant la crise de covid.
  • Il faut garantir un meilleur lien fonctionnel entre hôpitaux et maisons de repos et de soins et assurer son contrôle en toute circonstance.
  • Un dossier numérique du patient simple d’utilisation pourrait favoriser une communication fluide entre les acteurs (médecins traitants, aides-soignants, patients, infirmières, hôpitaux, pharmaciens…).
  • La création d’une plateforme d’échange d’expériences afin d’aider d’autres maisons de repos à mieux faire face à des situations dramatiques.

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