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Françoise Schepmans : « Je gère l’héritage de la culture du chef tout puissant »

Le Vif

Depuis son arrivée à Molenbeek, il y a un an, Françoise Schepmans s’est surtout illustrée par sa volonté de rupture avec l’ère Moureaux. Mais le terrain est miné. Et la bourgmestre MR a aussi ses faiblesses.

Par Soraya Ghali

Son « job » désormais, c’est Molenbeek, « sa » commune, où elle a succédé à Philippe Moureaux. La tâche s’avère complexe. Parce que Françoise Schepmans doit désamorcer plusieurs bombes à retardement laissées par l’ex-bourgmestre socialiste.
« Il y a un héritage Moureaux et je l’assume », assure-t-elle. Et de pointer : une politique de logement qui n’a jamais favorisé la mixité sociale, une déficience dans divers contrôles publics et une logistique de l’administration obsolète. « A Molenbeek, il y avait un estompement de la norme : on se parquait en double file, les étalages de commerces pouvaient occuper presque tout un trottoir, on jetait ses ordures n’importe où… On ne vivait pas contre la loi, mais en dehors. » Sans oublier l’épineux dossier d’une administration publique taillée sur mesure pour le PS. « On a trouvé des services sclérosés, engoncés dans leurs habitudes, livrés à eux-mêmes, sans chef d’équipe », explique Françoise Schepmans. Ou le personnel représente 43 % de l’ensemble des dépenses, et dont 42 % est de niveau E (le moins qualifié). La bourgmestre épingle encore un laisser-aller pour la récupération de la TVA, une carte de stationnement gratuite pour tous, la gratuité des frais de garderie scolaire, une loi de fermeture des commerces de jour à 20 heures bafouée… « Ce que Philippe Moureaux laisse comme héritage est avant tout cette culture du chef qui peut tout et qui protège. » Plutôt troublant quand on sait que, sur les vingt-trois ans de règne de l’ex-bourgmestre, Françoise Schepmans en passa plus de dix à son côté.
Mais depuis son arrivée, la page Moureaux a été très vite tournée. Avec un changement radical de méthode. En instaurant le travail d’équipe, sans niches ni prés carrés, de la bonne gouvernance et de la transparence. Une rupture revendiquée aussi dans les priorités affichées par Françoise Schepmans : la sécurité, la prévention, la lutte contre les marchands de sommeil, les incivilités et la malpropreté. « Ce fut une année pour rien ou presque, dénonce un socialiste. Elle ne fait que gérer les affaires courantes, sans vision. » « Elle souhaite rénover la politique. Cela suppose qu’elle consulte avant d’agir, plaide sa directrice de cabinet. Elle n’a pas l’égo d’un Moureaux. ». En d’autres termes : pas de projet emblématique, mais du concret pour améliorer la qualité de vie des citoyens et, surtout, attirer de nouveaux habitants.
« Mon travail a consisté, pour l’essentiel, à remettre de l’ordre dans l’administration. C’est une tâche difficile, forcément non visible des citoyens », explique la bourgmestre. Cela donne peut-être l’impression que rien ne bouge. De fait, la nouvelle majorité a pris d’autres décisions importantes. Elle a augmenté le nombre de caméras de surveillance. Elle a encouragé les gardiens de la paix à sanctionner les incivilités. Elle a mis en place des brigades mixtes de la propreté (agents communaux, policiers, agents de Bruxelles-Propreté), ou encore une régie foncière… « Mais la multiplication de ces petites mesures ne suffit pas à définir une politique ni à incarner la fonction de bourgmestre », maintient Jef Van Damme, ex-échevin et député SP.A.
Dans son bureau, ovale et dépourvu de tout effet personnel, Françoise Schepmans rappelle qu’à la différence de Philippe Moureaux – homme de cabinet parachuté à Molenbeek -, elle a grandi à Molenbeek. Certes, celui du « haut », version « château du Karreveld ». Mais son milieu n’est pas bourgeois (à l’inverse de Moureaux, né dans une grosse maison d’Etterbeek dans un milieu très politisé, son père, Charles, étant ministre libéral de l’Instruction publique, son frère, l’avocat Serge, parlementaire), mais plutôt classe moyenne. Née en 1960 à Berchem-Sainte-Agathe, elle a 7 ans quand ses parents s’installent dans l’un des immeubles du boulevard Mettewie. « C’était le sommet de la modernité à l’époque », raconte-t-elle. Sa mère est bibliothécaire, son père, Jacques Schepmans, journaliste à La Cité, puis directeur de l’hebdomadaire Pourquoi Pas ?.
Une origine qui lui vaudrait un électorat bleu-blanc-belge, à l’opposé de celui du bas de la commune, qui est en grande partie peuplée par des populations immigrées. « Elle a un sens social proche de zéro et elle n’a que mépris pour les personnes d’origine étrangère », accusait ainsi Philippe Moureaux, au lendemain de son départ. « C’est l’inverse ! J’aime les gens ! J’aime Molenbeek ! » rétorque l’édile. Qui laboure le terrain local, où elle se révèle très à l’aise. « Les demandes des citoyens sont toutes les mêmes, quels que soient les quartiers : ils veulent du logement, de bonnes écoles, de la sécurité et du travail ! »
Son plus proche ami, c’était Jacques Simonet, décédé en 2007. Ils se sont connus, quand elle avait 9 ans, lui 7. Mêmes études (le droit), mêmes idées. Comme lui, elle tempère certaines convictions libérales, notamment en matière d’immigration. Comme lui, elle n’a qu’un but : mener une carrière d’élu local. « C’était un visionnaire. Il disait que quand Philippe Moureaux entrait dans une pièce, la température baissait de dix degrés », rappelle Françoise Schepmans, dans un éclat de rire.
L’élue se dit proche aussi de Bernard Clerfayt (FDF). « Il m’a rassurée. Les attaques, les peaux de banane, il a connu ça, lors de sa première année de maïorat. » Pour gérer Molenbeek, le modèle de la bourgmestre, c’est Schaerbeek. Bernard Clerfayt ne joue pas en solo et a donné une image plus positive de sa commune. A Molenbeek, elle aussi, veut la jouer collectif.

Le dossier intégral dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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