Theo Francken © Serge Baeken

Francken : « J’aimerais bien passer le ballon à Tom Van Grieken »

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Le sérieux et la durée des conversations entre Bart De Wever et le Vlaams Belang révèlent que la N-VA a complètement changé d’approche à l’égard de l’extrême droite. Theo Francken a montré le chemin à son parti.

Le 26 mai, le dimanche des élections, la direction de la N-VA a pris, en quelques heures, une décision qui a peut-être définitivement changé la carte politique de la Flandre : le VB a été retiré du cordon sanitaire. On lui parle, on négocie avec lui, et à l’avenir, on gouvernera peut-être avec lui.

Quoi qu’il en soit, Theo Francken, qui, en tant qu’ancien Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, était de plus en plus la cible des critiques du Vlaams Belang, ne serait pas attristé si le VB devait assumer une responsabilité politique après les élections de 2024. Theo Francken a déclaré à Knack : « Jusqu’à présent, les membres du VB ont toujours été dans la tribune lorsque les autres partis étaient sur le terrain. J’étais un grand attaquant. J’ai parfois joué hors-jeu, mais j’ai beaucoup tiré vers le but aussi. Mais à chaque but raté, les membres du Vlaams Belang riaient dans les tribunes. J’aimerais passer le ballon à Tom Van Grieken, puis voir comment il s’en sort. Et me marrer quand il tire à côté. La Flandre pourra alors voir de ses propres yeux que chaque coup de Dewinter ne se solde pas par un succès ».

Theo Francken a prôné l’ouverture vers le VB dès le dimanche des élections, alors qu’il devenait clair que la N-VA allait perdre lourdement et que le VB allait monter de manière phénoménale. La direction de la N-VA disposait d’une heure, deux au maximum, pour décider comment réagir. Ces quelques heures pendant lesquelles la N-VA a reconnu le VB comme une force politique à part entière ont été « les heures les plus importantes de l’année », selon une partie concernée.

Un cadeau pour la gauche

Theo Francken savait ce qu’il faisait. Depuis de nombreuses années, il a toujours eu à l’esprit qu’en Flandre, il ne pouvait pas faire ce qu’il avait vu se produire dans tant de pays européens, l’Autriche en tête : qu’un grand parti de droite pouvait pleinement mener une politique de droite en formant une coalition avec un partenaire d’extrême droite – ces partenaires radicaux sont automatiquement tenus de respecter un minimum les accords européens et donc de mener une politique plus « modérée » en tant que parti dirigeant. « Arrêtez avec le cordon, qui est le plus grand cadeau pour la gauche », a-t-il affirmé. Francken explique que si le VB était admis dans l’espace démocratique « normal » et que la N-VA pouvait impliquer le parti dans la formation d’un gouvernement, soudainement « beaucoup plus de choses seraient possibles » : « Si nous ne le faisons pas, la N-VA sera prise en otage par la gauche et par les partis du centre comme le CD&V ».

Pourtant, son plaidoyer n’était pas évident. Depuis des années, des personnalités influentes de la N-VA telles que Geert Bourgeois et Bart De Wever promeuvent la N-VA comme l’antipode démocratique et décent de la VB. Mais Francken n’avait pas tort sur ce point : le cordon autour du VB affaiblit la position du N-VA. Un grand parti de droite comme la N-VA n’a d’autre choix que de se tourner vers des partis beaucoup plus petits pour former une coalition. En conséquence, CD&V, Open VLD et surtout sp.a. ont réussi à jouer dans la cour des grands : ils exigent plus que ce qu’ils obtiendraient sur base du nombre de voix qu’ils reçoivent. La N-VA doit travailler avec eux, parce que le cordon « interdit » de se tourner vers le VB pour une coalition alternative à droite. C’était la leçon de quatre années de gouvernement Michel : la N-VA a eu du mal à traduire son poids électoral en politique. De nombreux membres de la N-VA pensent aujourd’hui que c’est la véritable cause de la défaite électorale du 26 mai : « Nous avions de l’or entre nos mains en 2014, et nous en avons fait beaucoup trop peu ».

Malgré ce rapprochement récent entre la VB et la N-VA, les deux partis – tous deux de droite et flamands, très fort centrés sur les questions d’identité – restent naturellement concurrents, malgré les semaines de « discussions » entre eux. Ces dites négociations n’ont pas empêché Van Grieken, conforté par le dernier sondage, de crier sur les toits qu’en tant que président du plus grand parti il veut diriger la formation du gouvernement flamand en 2024. C’est une déclaration de guerre précoce à la N-VA.

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