Frédéric Chomé

Formation du gouvernement : « La fiscalité environnementale mérite un vrai débat »

Frédéric Chomé Directeur de Factor-X, accompagnement en gestion durable, stratégie climatique pour entreprises et pouvoirs publics.

Ce mardi 5 août, Bruno Colmant proposait sur La Première de renforcer les avantages fiscaux aux investisseurs qui prennent des risques, de shifter la fiscalité du travail vers la consommation et il notait au passage que la fiscalité environnementale est « un peu évanescente » .

Nous pensons à contrario qu’en période de confection budgétaire, lorsque les prix sont bas et que le risque de déflation nous guette, une fiscalité environnementale ambitieuse et bien pensée est précisément l’un des piliers de la réforme de nos sociétés, qui pourra contribuer au budget bien plus largement qu’une hausse généralisée de la TVA d’1%, tout en étant plus équitable pour toutes les tranches de la population si elle est assortie de mesures compensatoires favorisant les comportements respectueux de l’environnement.

Le problème essentiel tient à l’assiette de la fiscalité environnementale, que l’on cantonne souvent aux seuls carburants et combustibles, déjà fortement taxés, dont certains citoyens précarisés dépendent fortement et dont les prix sont perçus par les agents économiques comme un critère de compétitivité économique.

Il convient donc de basculer cette fiscalité des biens primaires vers la consommation finale, par exemple en alignant le prix et la qualité environnementale des produits (puis des services, ultérieurement) vendus en Belgique. Cette mesure pourrait par exemple se concrétiser par une mesure de type « TVA environnementale » s’appliquant à tous les produits pour lesquels il existe une alternative éco-responsable. La différence de prix pourrait être fixée pour démarrer à 10% en faveur de l’écoproduit, puis augmenter forfaitairement de 5% par an pour donner un signal fort, tant aux consommateurs qu’aux fabricants desdits produits. Ce mécanisme aurait plusieurs avantages :

• Donner un signal prix très fort aux citoyens : consommer « éco-responsable » est enfin moins cher que l’alternative de masse et de faible qualité, ce qui coupe les ailes aux produits low-cost qui se sont développés au détriment de l’environnement et de facteurs humains.
• Offrir un cadre régulatoire transparent et équitable pour toutes les entreprises, sans nécessairement dégrader la compétitivité des entreprises belges comme le ferait une sur-taxation de l’énergie par exemple. En effet, dans ce système le choix est laissé au consommateur, la « taxe » s’applique sur le produit final et n’impacte pas la compétitivité des entreprises ans leurs relations commerciales directes. Elle incite bien évidemment les entreprises à fabriquer, développer et commercialiser des produits qui auront la faveur des consommateurs, en « sponsorisant » les produits éco-conçus et respectant des normes sociales strictes.
• Faire de la Belgique LA plateforme européenne de lancement de nouveaux produits environnementaux, où, grâce à cette régulation, les tests d’adoption par le marché pourront être réalisés par les entreprises auprès de leurs clients. Générer de ce fait un flux complémentaire de moyens issus de l’étranger vers chez nous.
• Recréer un peu d’inflation (par la hausse de la TVA sur les produits ‘Gris’ qui seront malgré tout encore achetés par certains, même si des mesures de baisse de prix des alternatives ‘vertes’ peuvent être également réalisées si nécessaire)
• Faire rentrer des sommes significatives dans le budget de l’État.

Nous estimons être en mesure, avec notre plan complet (qui passe progressivement d’une assiette concernant 5% des dépenses des ménages en première année à 60% en dernière année) de générer les bénéfices suivants d’ici à 2020 :
o Contribuer au budget de l’État à concurrence de 41 milliards € (soit 5 Md€/an, soit l’équivalent d’une hausse de la TVA de 4%)
o Augmenter le pouvoir d’achat moyen des ménages de 20 milliards € (soit près de 5000 € nets par ménage) en investissant dans des mesures de meilleur partage des objets à faible taux d’usage
o Faire de notre pays un laboratoire de production des solutions durables de demain, attirant de ce fait nombre de capitaux étrangers.
o Et générer de ce fait 100 000 emplois nouveaux dans les entreprises et métiers qui améliorent l’environnement par la promotion de la fabrication de produits et services durables sur le sol Belge
• L’ensemble de ces bénéfices peuvent être obtenus avec un investissement total de 250 M€ pour couvrir les frais de démarrage des différents pans de ce plan d’action.

Dans ce contexte de création d’activités nouvelles et durables en Belgique, les mesures visant à défiscaliser les investissements à risque des petits actionnaires dans les entreprises belges non cotées en bourse sont à soutenir vigoureusement. De même que la création de fonds composés uniquement de valeurs nationales multi-sectorielles auxquels la garantie des dépôts à concurrence de 100 000 € pourrait s’appliquer en lieu et place de celles disponibles sur les carnets d’épargne.

Bien entendu, certaines critiques s’élèveront quant à la naïveté d’un tel plan ou à la faisabilité d’un tel modèle, qui nécessite un examen approfondi de nos chiffres et reste tributaire de certaines hypothèses. Nous tenons les simulations chiffrées à disposition de quiconque souhaite les analyser en détail.

Par ailleurs, sa mise en oeuvre requiert une certaine dose de courage politique, puisqu’il convient ni plus ni moins d’instaurer en Belgique, l’un des plus petits États européens et à l’économie très ouverte, une mesure visant à favoriser la consommation responsable sans attendre que le reste de l’Europe suive. Il s’agit de prendre une attitude volontaire et d’adopter un comportement exemplaire en vue de prouver que cette option peut fonctionner, malgré la révolution copernicienne qu’elle impose. Enfin, les risques d’effets de bords (report de la consommation dans les pays limitrophes pour les habitants des zones frontalière) sont à estimer, mais à balancer avec le plaisir de consommer « responsable » et moins cher chez soi tout en soutenant le développement de son économie locale.

Einstein disait qu’on ne peut pas résoudre un problème avec le même type de pensée que celle qui l’a créé. L’impasse financière dans laquelle nous sommes nous pousse à croire qu’il est urgent d’adopter des solutions innovantes et efficientes, qui déploient des effets sur le long terme afin que l’on ne nous resserve pas chaque année les trous à combler dans les budgets de l’État. Gageons que les formateurs oseront adopter l’attitude des héros qu’il convient pour sortir notre pays de l’impasse économique dans laquelle il se trouve.

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