Johan Vande Lanotte © Belga

Formation du gouvernement: Johan Vande Lanotte voudrait augmenter la pression

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Selon l’ancien informateur Johan Vande Lanotte, le système d’un gouvernement en affaires courantes tel qu’on le connaît actuellement ne fonctionne plus. C’est pourquoi la Belgique devrait s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Comme, par exemple, « en Grèce, où les partis doivent former une coalition dans un délai déterminé », dit Vande Lanotte.

On attend maintenant la formation d’un gouvernement fédéral depuis plus de 130 jours. Depuis que la mission des informateurs Johan Vande Lanotte (SP.A) et Didier Reynders (MR) est terminée, c’est au tour des préformateurs Rudy Demotte (PS) et Geert Bourgeois (N-VA) de prendre le relais.

Ils vont tenter, à leur tour, de former un gouvernement. Sauf que, pour Vande Lanotte, tout ce processus de formation s’éternise beaucoup trop. C’est pourquoi, au regard des négociations de ces derniers mois, il appelle, dans les conclusions de son rapport, à l’introduction d’un délai. « Si on ne parvient pas à former un gouvernement après trois mois, on organise de nouvelles élections « , dit-il.

« Le principe des affaires courantes ne fonctionne plus de manière adéquate », explique Vande Lanotte à Knack. Dans le passé, un gouvernement en affaires courantes ne durait jamais aussi longtemps et bénéficiait d’une majorité au parlement. Ce qui était rassurant à l’époque ne l’est plus aujourd’hui. C’est pourquoi nous devons passer à un mécanisme différent qui encourage l’urgence. Quiconque adopte une position constructive au cours des négociations sera par ailleurs récompensé par les électeurs.

Toujours selon Vande Lanotte, le délai de trois mois n’est qu’une proposition arbitraire. « En ce qui me concerne, nous pouvons tout aussi bien opter pour une période de cinq mois ». Ce que Vande Lanotte souhaite surtout, et bien qu’il ignore si les autres partis sont prêts à appuyer un tel système, c’est qu’on inscrive un délai, quel qu’il soit, dans la Constitution. Vande Lanotte cite pour étayer son idée des exemples venus de l’étranger et pour qui, selon lui, cela fonctionne bien. La Grèce et l’Espagne sont pour lui les cas les plus frappants, bien qu’il existe d’autres exemples intéressants dans notre voisinage immédiat.

La Grèce

En 2012, lors de la crise de la dette, aucun parti n’a obtenu, malgré la prime de cinquante sièges que reçoit automatiquement le plus grand parti, la majorité absolue des voix. Or, comme l’exige la Constitution grecque, les trois plus grands partis n’ont que trois jours pour former un gouvernement de coalition. Le président du parti le plus important est celui qui peut le premier tenter une formation. S’il n’y parvient pas, c’est au tour du deuxième et puis du troisième. Mais, il y a sept ans, après les trois tentatives, aucune solution ne sera trouvée. Pour sortir de l’impasse, le président de l’époque a mis en place un gouvernement d’unité nationale avec le mandat obligatoire d’organiser des élections anticipées. Afin d’éviter que seuls quelques partis puissent faire adopter leurs propres agendas politiques, tous les partis représentés au Parlement grec ont dû s’impliquer dans le gouvernement. Si cette solution avait échoué, Papoulias aurait encore dû dissoudre le Parlement et convoquer de nouvelles élections. Finalement, les Grecs retourneront aux urnes un mois et demi après les premières élections. Trois jours plus tard, un nouveau gouvernement était à la barre.

Espagne

En Espagne, un délai a aussi été fixé pour la formation d’un gouvernement, bien qu’il n’entre en vigueur que dans un deuxième temps. Après les élections, le Roi, en consultation avec le Président du Parlement et les présidents des groupes politiques, désigne un candidat Premier ministre. En principe, il dispose de beaucoup de temps pour élaborer un programme gouvernemental avec lequel il doit ensuite convaincre une majorité absolue au Parlement. S’il échoue lors d’un premier vote, il a encore 48 heures pour tenter de convaincre le parlement de changer d’avis. Si cette tentative échoue, alors, toujours selon la constitution, un délai de deux mois entre en vigueur. Si ce délai expire sans qu’on ait un accord gouvernemental, le roi dissout les deux chambres du Parlement et de nouvelles élections sont organisées.

Ce mécanisme fait que les Espagnols devront bientôt se rendre aux urnes pour la quatrième fois en quatre ans. Lors du scrutin précédent, le plus grand parti du Premier ministre socialiste Pedro Sanchez n’avait obtenu que 123 sièges sur 350, le plus petit nombre de sièges enregistré par le plus grand parti du pays au cours des 40 dernières années. Le paysage politique espagnol est fragmenté depuis la montée de Ciudadanos, Podemos et Vox, ce qui rend très difficile la création d’une coalition gouvernementale.

Nombre de tentatives

En plus des délais constitutionnels, il y a aussi des pays où le président peut utiliser son pouvoir exécutif pour fixer un délai pour les négociations. Bien entendu, le chef de l’État risque d’abuser de son pouvoir à des fins politiques ou simplement de mal juger le temps nécessaire à l’émergence d’un gouvernement stable. En Belgique, cette option serait aussi très complexe puisque le palais serait subitement confronté à de nouvelles élections.

Après la récente crise gouvernementale en Italie, le président Sergio Mattarella a décidé, deux jours après la chute du gouvernement, d’imposer un délai aux partis politiques. Les partis de former une coalition alternative endéans les quatre jours, faute de quoi, il convoquerait de nouvelles élections ou mettrait en place un gouvernement de transition. Quatre jours plus tard, une coalition entre le Mouvement des cinq étoiles et le Partito Democratico a été formée. A Malte aussi, le président a des pouvoirs similaires. S’il estime qu’il n’y a pas suffisamment de soutien pour un candidat au poste de Premier ministre dans un « délai raisonnable », il peut dissoudre le Parlement et convoquer de nouvelles élections.

Enfin, en Suède, il y a une limite au nombre de fois ou un gouvernement peut être soumis au vote du Parlement. Si un candidat Premier ministre, et avec lui l’ensemble du gouvernement n’ont pas réussi à obtenir la majorité après quatre votes au parlement, de nouvelles élections doivent avoir lieu dans les trois mois.

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