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Faut-il instaurer une taxe exceptionnelle sur les bénéfices records des entreprises énergétiques ?

Ewald Pironet
Ewald Pironet Ewald Pironet est rédacteur du Knack.

Les entreprises énergétiques réalisent des bénéfices records. Faut-il, dès lors, instaurer une taxe exceptionnelle à leur égard ? La Belgique « y réfléchit ». D’autres pays, comme la France ou l’Italie, ont franchi le pas.

Les méga-profits des entreprises énergétiques ne passent pas inaperçus. Alors que les ménages doivent payer de plus en plus cher le gaz, le pétrole et l’électricité, elles affichent des bénéfices records. En additionnant les bénéfices réalisés par ExxonMobil, Shell, TotalEnergies et BP au deuxième trimestre de cette année (du 1er avril au 30 juin), on arrive à 62,5 milliards de dollars. C’est plus de trois fois plus que pour la même période de l’année précédente. Pomper du pétrole aujourd’hui ne coûte pas plus cher qu’hier, mais le prix du baril de pétrole a fortement augmenté à cause de la guerre.

Ces profits considérables des compagnies pétrolières suscitent un intense sentiment d’injustice auprès de nombreuses personnes: alors que tout le monde doit puiser davantage dans ses poches pour payer les factures d’énergie croissantes, les compagnies pétrolières se vantent des bénéfices qu’elles ont réalisés. Le président de l’ONU, Antonio Guterres, ne cache pas son dégoût: « Il est immoral que les entreprises pétrolières et gazières fassent des profits record grâce à cette crise énergétique, sur le dos des populations et des communautés les plus pauvres, avec un coût massif pour le climat. J’appelle tous les gouvernements à taxer ces profits excessifs, et à utiliser ces fonds pour soutenir les plus vulnérables en ces temps difficiles. »

Vers une taxe exceptionnelle ?

La ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten (Verts) approuve ses dires: « Personne ne peut s’enrichir sur le dos de la plus grande crise énergétique jamais connue. » Elle pense à une taxe unique de 25 % pour toutes les entreprises de gaz et d’électricité et les négociants en pétrole sur les bénéfices excédentaires qu’ils réalisent. Partout en Europe, les gouvernements jouent avec cette idée. Aux Pays-Bas, on appelle cela un boftaks, un impôt sur les bénéfices, car ces entreprises ont de la chance aujourd’hui. En anglais, on l’appelle windfall tax, une taxe exceptionnelle sur les gains pour lesquels une entreprise n’a rien eu à faire.

Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) estime que sa collègue Tinne Van der Straeten s’emballe un peu et souligne qu’une telle taxe sur les surprofits « doit résister au test juridique et c’est ce à quoi nous allons travailler avec ce gouvernement ». Le gouvernement De Croo en débattra peut-être lors des négociations sur le budget.

Personne ne peut s’enrichir sur le dos de la plus grande crise énergétique jamais connue

Tinne Van der Straeten

D’autres pays ont déjà réussi à faire payer les compagnies pétrolières. En France, le gouvernement a appelé à un geste et la société française TotalEnergies accordera une réduction de 20 centimes d’euro par litre sur le prix de l’essence à la pompe dans les prochains mois. En Italie, où l’État est copropriétaire des entreprises énergétiques Eni et Enel, le gouvernement de Mario Draghi a imposé un impôt unique sur les bénéfices de 25 % aux entreprises énergétiques. Les recettes sont consacrées à l’achat de bons d’énergie pour les consommateurs. En Grèce, il y a même désormais un taux d’imposition de 90 % sur les bénéfices énergétiques.

Les profits élevés des banques sont également visés. En Espagne, le gouvernement veut faire passer le taux d’imposition des institutions financières de 25 à 30 % dans les années à venir. En Belgique, le ministre Van Peteghem songe à faire contribuer les banques à hauteur de 1,4 milliard supplémentaire au fonds de garantie des dépôts, créé après la crise bancaire pour rembourser les clients de leurs économies en cas de faillite d’une banque.

Pour instaurer cette taxe exceptionnelle, la grande question, bien sûr, est de savoir comment calculer les bénéfices excédentairesQuelle partie du bénéfice est disproportionnée ? Les économistes ont du mal à définir les surprofits ; ils disent que c’est une décision politique. Et que faire des autres entreprises, telles que Lotus Bakeries, qui réalisent aujourd’hui beaucoup plus de bénéfices ? Allons-nous aussi les taxer davantage ? Allons-nous pénaliser le fait de faire beaucoup de bénéfices ?

Il ne faut pas l’oublier : les entreprises permettent généralement à leurs actionnaires de profiter des bénéfices en leur versant un dividende. Les dividendes sont soumis à l’impôt, ou retenue à la source, à un taux standard de 30 %. Les méga-profits garantissent des dividendes élevés, si bien que le produit du précompte mobilier sur les dividendes au premier semestre a rapporté un montant record de 2,5 milliards au trésor public, soit une augmentation de 86 %, selon le journal économique De Tijd. Donc notre gouvernement profite déjà des méga-profits.

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