Jules Gheude

Faudra-t-il attendre encore 20 ans pour redresser la Wallonie ?

Jules Gheude Essayiste politique

Un nouveau plan – le Marshall 4.0 – vient de prendre la relève de tous ceux qui ont été adoptés, ces dix dernières années, dans le but d’opérer le redressement économique de la Wallonie.

Ce redressement aurait pu être accompli depuis belle lurette si les responsables wallons avaient usé efficacement des outils régionaux qu’ils ont eux-mêmes revendiqués et qui n’ont cessé de s’amplifier depuis l’adoption de la régionalisation définitive en 1980.

Hormis la parenthèse André Damseaux (PRL) et Melchior Wathelet (PSC), du 27 janvier 1982 au 4 février 1988, la ministre-présidence de la région a jusqu’ici été exercée par le PS, et ce comme si l’embarcation était sa propriété exclusive.

En dépit des communications de réconfort – on commence à percevoir le bout du tunnel… – qui sont délivrées régulièrement à la population, celle-ci, comme soeur Anne, ne voit malheureusement toujours rien venir.

Aujourd’hui, le professeur Guiseppe Pagano de l’Université de Mons déclare que les montants sont trop faibles pour avoir un véritable impact sur le PIB et que quatre plans Marshal sont encore nécessaires pour que la Wallonie revienne dans la moyenne belge en termes de PIB et de capacité fiscale. Quant à Didier Paquot, directeur du département économique à l’Union wallonne des Entreprises, il constate que le gouvernement wallon ne prend pas en compte les critères de simplification et d’efficacité et qu’il faudra encore attendre 10 ans, même 20 ans, pour reconstruire la Wallonie et retrouver une économie solide.

A la fin des années soixante, le professeur Robert Liénard avait rencontré à Paris le général de Gaulle, lequel, à propos de la situation de la Wallonie, avait tenu un langage clair : tâchez de vous trouver des chefs jeunes qui diront la vérité au peuple et mobiliseront ce qui en reste.

La vérité, aujourd’hui, est que la Wallonie se trouve confrontée, avec une dette de 18,6 milliards, à une situation catastrophique et qu’elle se révèle incapable de réaliser l’équilibre budgétaire.

La vérité, aujourd’hui, c’est que le taux de chômage se situe autour de 15%, alors que, depuis huit ans, les effectifs du Forem se sont accrus de 30%. Hypertrophie administrative !

La vérité, aujourd’hui, c’est que le gouvernement wallon, après avoir mis à mal l’industrie du photovoltaïque, ne parvient plus à payer les primes énergie et ne sera bientôt plus en mesure, selon Philippe Defeyt, le président du CPAS namurois, de financer ses maisons de repos.

La vérité, aujourd’hui, c’est que, pour chaque trimestre de 2014, la Flandre a réalisé un chiffre d’exportations supérieur à celui de la Wallonie sur l’entièreté de l’exercice.

La vérité, aujourd’hui, c’est que la Wallonie, en cas de scission de l’Etat belge (hypothèse dont je dis depuis longtemps qu’il ne faut en aucun cas l’exclure, écrivait Xavier Mabille, le président du CRISP, en 2007), serait dans l’impossibilité de s’assumer seule.

Sur base de chiffres qui ne peuvent être contestés, l’économiste liégeois Jules Gazon a calculé que si cette scission était intervenue en 2010, la Région wallonne se serait retrouvée avec un solde net à financer représentant quelque 22% de ses dépenses publiques. Ceci en considérant que le taux d’intérêt appliqué à la dette wallonne était celui appliqué alors à l’Etat belge, soit en moyenne 3,6%. Mais on connaît les taux usuraires qui ont été appliqués à la Grèce !

Il n’y a pourtant pas de fatalité. L’Irlande nous en apporte aujourd’hui la preuve. Encore faut-il, pour cela, que les dirigeants aient la volonté – et le courage ! – de mettre entre parenthèses leurs querelles de clocher pour trancher dans le vif.

Il ne faut pas vingt ans pour qu’un pays ou une région se redresse. Lors d’une conférence donnée à Charleroi, le 12 décembre 2012, l’économiste américain Jeremy Rifkin, qui avait été chargé d’une mission dans le cadre de la réindustrialisation du Nord-Pas-de-Calais, affirmait qu’avec un schéma directeur, sur lequel il était prêt à faire travailler ses équipes, les choses pourraient bouger très rapidement en Wallonie : Et je ne parle pas de vingt ans !

Voilà pourquoi il me semble essentiel que la population wallonne, et notamment ses jeunes espoirs, sorte de son apathie et entre en résistance. Seule, cette mobilisation, dont le général de Gaulle soulignait l’importance, peut contraindre les responsables politiques à changer radicalement de cap. Wallons, indignez-vous !

(1) Dernier livre paru : « François Perin – Une Plume / L’Oeuvre écrite », Les Editions de la Province de Liège, 2015.

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