Theo Francken © BELGA/Kurt Desplenter

Factchecking: le taux de demandeurs d’asile au plus bas depuis 2008 ?

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Le secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations Theo Francken (N-VA) met en avant un chiffre record : jamais depuis 2008 l’afflux de demandeurs d’asile n’a été aussi bas, a-t-il publié sur Twitter. Mais ces chiffres sont-ils corrects ?

Le secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations Theo Francken (N-VA) est arrivé ce matin avec un chiffre record. Depuis 2008, l’afflux de demandeurs d’asile n’a jamais été aussi bas, a-t-il rapporté sur son compte Twitter. Cette année, le compteur est, selon Francken, à 9.267 – environ la moitié par rapport à l’an passé et moins d’un quart des 44.760 demandeurs d’asile en 2015. Mais ces chiffres sont-ils exacts ?

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Ces chiffres semblent provenir de l’Office des Etrangers, du SPF Intérieur. L’Office des Etrangers a publié sur son site internet des rapports annuels et mensuels avec des statistiques détaillées sur l’asile dans notre pays. On peut effectivement lire dans le rapport de 2016 que l’an dernier 18.710 demandes d’asile ont été traitées. Pour les années précédentes, les chiffres ne collent pas. Le rapport de 2015 fait par exemple mention de 35.476 demandes au lieu de 44.760, et en 2014 de 17.213 au lieu de 22.848.

La raison de ces anomalies est purement administrative. Depuis 2016, les mineurs étrangers qui accompagnent leurs parents ou tuteurs sont également comptabilisés. Les chiffres sur le site internet de l’Office des Etrangers sont donc à chaque fois un peu trop bas (jusqu’en 2016) – d’environ un tiers. Nous allons donc partir du principe que Theo Francken dispose des chiffres mis à jour, et donc exacts, des années précédentes.

Le résultat pour l’année 2017 est quant à lui un peu plus périlleux. Les chiffres les plus récents sur le site de l’Office des Etrangers datent du mois de mai, avec 7.728 demandeurs d’asile déjà enregistrés au cours des cinq premiers mois de l’année, soit une moyenne de 1.545 par mois. Le secrétaire d’Etat parle de 9.267 demandeurs d’asile, ce qui suggère qu’il a déjà les chiffres du mois de juin : 7726 (mai) + 1545 (la moyenne mensuelle) est assez proche (9273). Ce qui saute aux yeux immédiatement, c’est que Francken compare les chiffres des six derniers mois avec les totaux annuels des années précédentes. Périlleux donc.

Les demandes d’asile, différentes de l’afflux des demandeurs d’asile

Ensuite, il y a le fait qu’il revendique le taux le plus bas d’afflux de demandeurs d’asile depuis 2008. Le nombre, à mi-chemin de cette année, est donc de 9.267. Multipliez ce nombre par deux pour une estimation rapide du total annuel (18.534) et les dires de Theo Francken semblent effectivement pointer vers le chiffre le plus bas depuis 2008.

Mais une fois encore la nuance s’impose. Les chiffres utilisés par le secrétaire d’Etat sont la somme de toutes les demandes d’asile. Or, chaque demandeur d’asile débouté a l’occasion d’introduire une nouvelle demande s’il peut démontrer de nouveaux éléments dans son dossier. Les totaux disent donc très peu de l’afflux, car certains demandeurs d’asile sont comptabilisés plusieurs fois : leur première demande, tout comme leur deuxième, leur troisième et même leur quatrième sont incluses dans les chiffres. Le nombre moyen de demandes introduites par chaque demandeur d’asile varie chaque année. En 2014, ils étaient 36%, en 2015 12%, en 2016 22% et cette année provisoirement 23%. En d’autres termes, le nombre de demandes est un très mauvais indicateur de l’afflux des demandeurs d’asile.

De plus, fournir le nombre annuel en doublant le chiffre pour six mois est une estimation très imprécise. Cela dépend en effet des années. Si en 2016 les deux semestres se ressemblaient, en 2014 et en 2015 les statistiques ont décollé durant la deuxième partie de l’année. Les dernières années ont montré que le printemps et l’été étaient les périodes les plus calmes de l’année ; plus le froid de l’hiver approche, plus les candidats à l’asile introduisent leurs demandes. Prédire dès aujourd’hui combien de personnes vont demander l’asile d’ici la fin du mois de décembre est une devinette particulièrement difficile.

Conclusion

Les chiffres du secrétaire d’Etat Theo Francken ne disent absolument rien sur l’afflux des demandeurs d’asile, mais bien sur le nombre de demandes d’asile. De plus, il ne donne un total que pour une demi-année, et une augmentation dans les six prochains mois n’est pas prévisible. Le fait que 2017 soit l’année avec « l’afflux de demandeurs d’asile le plus bas depuis 2008 » est donc une revendication erronée.

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