Des demandeurs d'asile dans un centre de la Croix-Rouge. © Belga

Factchecker: Non, un demandeur d’asile ne coûte pas 2255 euros par mois

Jan Jagers Journaliste Knack

« Un demandeur d’asile coûte 2255 euros par mois », affirme le Vlaams Belang sur ses tracts électoraux distribués en juin dernier dans les boîtes aux lettres. Nos confrères de Knack ont vérifié le montant.

Mardi, le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken dévoilait que son parti se présenterait devant les électeurs au mois d’octobre sous le slogan ‘Nos gens d’abord' ». Van Grieken trouve logique qu’il n’y ait là rien de neuf sous le soleil : « Ces dernières années, rien n’a changé. » Dans les tracts distribués en juin dernier, le parti s’en prend la politique d’asile du gouvernement Michel : « Un demandeur d’asile coûte jusqu’à 2255 euros », écrit le parti.

« C’est du moins ce que nous pouvons conclure d’une étude récente de la Cour des comptes sur le coût d’accueil de demandeurs d’asile ». « Le coût par jour dépend fort du partenaire qui accueille les demandeurs d’asile. À côté des acteurs publics tels que Fedasil il y a aussi des centres d’accueil privés qui offrent un accueil à un tarif commercial. Ainsi, l’accueil à l’ASBL Synergie coûte 74 euros par jour. C’est 2255 euros par mois ou 27 068 euros par an. Sachant que la pension moyenne s’élève à 1200 euros à peine, ces chiffres sont hallucinants. »

Sous l’article se trouve un résumé en forme de tableau: « Pension moyenne : 1200 euros. Coût mensuel demandeur d’asile : 2255 euros. »

Ce montant est également cité dans le quotidien De Standaard. Est-ce le montant moyen que nous consacrons à l’accueil de demandeurs d’asile par mois ? Et le cas échéant, qu’est-ce qu’il reçoit en échange ?

Le rapport de la Cour des comptes auquel se réfère le Vlaams Belang a été publié en octobre 2017 et donne un aperçu du « coût moyen réel » (CMR) de l’accueil d’un demandeur d’asile, en fonction du lieu. Les chiffres concernent la période 2013-2015.

Le CMR est « le coût par demandeur d’asile par jour pour tout organisateur », écrit le Vlaams Belang. Selon la Cour des comptes, celui-ci ne permet pas « une comparaison parfaite entre différents organisateurs » mais « est calculé en divisant le coût total par le nombre de jours par an et le nombre de places occupées ».

Dans la plupart des quatorze cas, le CMR se situe entre les 40 et les 50 euros, mais le montant cité par le Vlaams Belang y figure également. Il était le plus élevé en 2015, où il s’agissait effectivement de 74,16 euros chez Synergie 14 à Bruxelles.

Par e-mail, le porte-parole du Vlaams Belang précise le calcul: « Synergie 14 → coût par demandeur d’asile = 74,16 euros/jour x 365 = 27.068/12 = 2255 euros ».

Pour de plus amples explications, Knack s’est adressé à Myria, le Centre de migration fédéral, mais ce dernier, ainsi que le cabinet du Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA), nous réfère à Fedasil.

« Synergie 14 offre un accueil spécialisé aux mineurs non accompagnés », précise Mieke Candaele, directeur de communication Fedasil. « Il s’agit de mineurs seuls en situation de crise. Ces derniers ont évidemment besoin de plus d’accompagnement, tant sur le plan psychologique que pédagogique. Au total, il s’agit de dix places, sur un réseau d’accueil de plus de 20 800 places aujourd’hui. »

« Le Vlaams Belang sort les cas les plus chers et puis fait passer ce coût pour la norme », conclut Candaele. « Les places d’accueil chez Caritas – 100 au total, notamment pour les femmes seules vulnérables – coûtent plus de 70 euros. Mais la très grande majorité des places coûte moins de 50 euros par jour. »

Ce montant comprend notamment l’alimentation, la location et l’entretien de bâtiments, et les coûts salariaux du personnel qui met l’accueil en pratique. Les demandeurs d’asile y sont nourris, logés, et accompagnés », souligne Candaele.

Candaele trouve absurde que le Vlaams Belang compare le coût de l’accueil d’un demandeur d’asile aux pensions. « Non seulement, il y a beaucoup plus de pensionnés que de demandeurs d’asile, mais l’accueil de ces demandeurs d’asile est évidemment relativement limité dans le temps. »

D’après Candaele, la durée de séjour moyenne est de 9 à 12 mois. « Le nombre de places d’accueil a été réduit de 33 000, à l’apogée de la crise d’asile fin 2015, début 2016, à plus de 20 000 aujourd’hui. »

Chercheur à l’institut HIVA (KuLeuven), Johan Wets affirme que le part compare des pommes et des poires. « Le montant de la pension aboutit dans portefeuille du pensionné, le montant des coûts d’accueil n’atterrit pas dans celui du demandeur d’asile », souligne-t-il. « Et quand on voit ce que cachent les montants, la comparaison est totalement bancale. Les coûts du personnel chargé de l’accueil sont comptés dans les coûts par exemple, mais ceux des gens qui calculent les retraites ne sont pas repris dans la pension citée. Et je peux citer d’autres exemples. »

Pour mettre ce débat en perspective, et conscient des associations involontaires qu’il peut susciter, notre confrère de Knack a demandé le coût de l’accueil d’un détenu moyen. « En 2017, globalement 140,89 euros par jour », déclare Olivier Michiels au nom du SPF Justice.

Conclusion

Notre confrère de Knack juge l’assertion en grande partie fausse. Le montant que le Vlaams Belang fait passer pour la norme est basé sur les coûts d’accueil les plus chers, qui valent pour un groupe minime de demandeurs d’asile mineurs non accompagnés. « La très grande majorité des places d’accueil ne coûtent pas 74 euros, mais moins de 50 euros par jour. »

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