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FactCheck: une application de suivi de contacts installée « en douce » sur nos téléphones?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Les applications de suivi de contacts de personnes contaminées par le coronavirus soulèvent de nombreuses questions, notamment sur le respect de la vie privée. De fausses rumeurs circulent sur les réseaux sociaux dénonçant leur installation par défaut sur des smartphones. On démêle le vrai du faux.

StopCovid en France, NHS Covid-19 au Royaume-Uni, Immuni en Italie, Stopp Corona en Autriche,… de nombreux pays d’Europe ont souhaité se doter d’une application de traçage de contacts pour lutter contre le coronavirus.

Ces app’ doivent permettre à une personne positive au coronavirus d’alerter automatiquement tous les utilisateurs avec lesquels elle a eu un « contact prolongé » récemment, à moins d’un mètre et durant plus de quinze minutes, afin qu’ils se fassent tester à leur tour et qu’ils soient éventuellement pris en charge rapidement. Presque toutes ces applications utilisent les ondes Bluetooth pour détecter la proximité entre les utilisateurs, une fonction moins intrusive que la géolocalisation qui permet, elle, de suivre les déplacements.

Si la technologie utilisée diffère selon les États, toutes ces applications mobiles doivent répondre aux exigences strictes de la Commission européenne en matière de respect de la vie privée, de transparence dans leur mode de fonctionnement, ou encore de sécurité des données enregistrées. Leur utilisation sur base volontaire est aussi un critère important. Aucun citoyen ne peut, en effet, être obligé d’utiliser l’app’ de suivi mise en place dans son pays. Chacun peut choisir librement de la télécharger.

La Belgique pense à lancer une telle app’ à grande échelle mais a opté, à l’heure actuelle, pour un suivi des personnes malades via un call center. Des enquêteurs sont chargés de contacter les personnes qui ont été en relation avec des personnes porteuses du virus et de prévenir leur entourage.

Des tests en direct d’une application de tracing devraient avoir lieu dès début juillet. Pour l’heure, son implémentation se heurte encore à des obstacles juridiques. Le cadre juridique dans lequel l’application doit opérer est en proposition de loi au Parlement. Au final, ce seront les entités fédérées qui devront donner le feu vert.

Lors de la conférence de presse de ce mercredi 3 juin pour l’annonce de la 3ème phase de déconfinement, le Ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) a fait le point: «  Nous avons mis en place un système de traçage. Pour l’instant, il n’y a pas d’app’. Nous n’avons pas attendu d’en avoir une pour mettre en place le système. Cela ne veut pas dire que j’y suis opposé, mais s’il l’on regarde les autres pays européens – je ne parle pas de Singapour – on voit que l’acceptation de ces applications n’est pas toujours élevée. » Elio Di Rupo, le ministre-président wallon (PS) pour sa part, a réitéré la nécessité d' »absolument garantir l’anonymat » : « c’est un mot clé. Il n’est pas question de dire que le citoyen X ou Y a risqué de vous contaminer au restaurant. »

FactCheck: une application de suivi de contacts installée
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L’app’ installée à l’insu des utilisateurs ?

Aux inquiétudes liées au respect de la vie privée s’ajoutent de fausses rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux suite au lancement de l’app’ StopCovid ce mardi 2 juin dans l’Hexagone. Un article partagé des milliers de fois affirme que l’application a été installée « en douce » sur les téléphones portables de tous les citoyens français. « En toute illégalité le gouvernement fait installer l’application Covid-19 depuis hier soir (…) Ceci sans que les propriétaires de smartphones l’aient demandé, sans même leur autorisation préalable et sans même les prévenir« , peut-on lire dans un article du 1er juin du site Wikistrike.

L’article s’alarme de l’apparition d’une « fonction Covid-19 » dans les téléphones portables et appelle à « éliminer cette option de traçage » en détaillant la marche à suivre.

Or, ces informations, qui font déjà tache d’huile sur les réseaux sociaux belges, sont erronées. La fonctionnalité mise en avant n’a en effet rien à voir avec StopCovid, dont l’installation se fait uniquement sur la base du volontariat, rappelle l’AFP.

« L’option que l’on peut voir sur l’écran du téléphone de cet internaute existe bien sur certains téléphones cellulaires. Elle n’a toutefois aucun lien avec l’application StopCovid« , explique l’agence de presse. « Il s’agit d’une brique logicielle intégrée aux dernières mises à jour des téléphones Android et Apple pour permettre, comme l’écrit la marque à la pomme sur son site, de « prendre en charge les applications de recherche des contacts des patients atteints du COVID-19

Dans certains pays, l’application de suivi qui a été mis en place à l’échelle nationale utilise bien l’outil développée par Apple et Google. C’est notamment le cas en Suisse.

« Ce que nous avons construit n’est pas une application, mais plutôt une interface de programmation (API) que les agences de santé pourront intégrer dans leurs propres applications« , ont précisé les deux géants américains, qui avaient initié leur partenariat le 10 avril dernier. Cette API est « installée par défaut sur votre tel par Apple et Google« , a expliqué sur Twitter le hacker français Baptiste Robert, alias Elliot Alderson.

https://twitter.com/fs0c131y/status/1267404744106090496Elliot Aldersonhttps://twitter.com/fs0c131y

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Elle est « inactive si aucune app de contact tracing n’est installée » sur le téléphone, a-t-il noté, ajoutant par ailleurs que StopCovid « n’est pas installée automatiquement sur votre téléphone« . Il faut en effet la télécharger sur les magasins d’applications Google ou Android si on souhaite l’utiliser.

Double mensonge

En bref, l’information qui circule sur les réseaux socaux est un double mensonge : elle prétend d’une part que l’option que l’on trouve est celle utilisée par StopCovid et affirme d’autre part qu’il s’agit d’une installation par défaut, résume Numerama sur son site.

Disponible depuis le 2 juin sur Android et iOS, l’application StopCovid a déjà été téléchargée 600 000 fois selon Cédric O, secrétaire d’Etat chargé au Numérique en France, la plaçant en tête des têtes des téléchargements des applications gratuites.

Concernant la protection des données et de la vie personnelle des utilisateurs, le secrétaire d’Etat s’est voulu rassurant: «  Personne ne peut forcer à installer l’application, nous avons fait le choix de parier sur la responsabilité des Français. L’application est anonyme, aucune donnée n’est accessible et elles sont effacées au bout de 14 jours. L’application est totalement transparente : tout le monde peut accéder au code et vérifier que l’application ne fait que ce que le gouvernement a annoncé. Le code est transparent, les parlementaires et des personnalités indépendantes y ont accès. » Certains spécialistes estiment qu’il faudrait que 50 à 60 % des Français installent StopCovid pour que l’app soit efficace.

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