Claude Demelenne

Face à la crise du coronavirus, la gauche radicale doit aussi se remettre en question

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Depuis le début de la crise du coronavirus, la gauche « radicale » tire au bazooka sur l’ensemble de la classe politique. C’est un peu court. Le PTB, en Belgique, Jean-Luc Mélenchon, en France, devraient aussi balayer devant leur porte.

La gauche de la gauche n’est pas douée pour le compromis, pourtant l’essence de la démocratie. Son incapacité à nouer des alliances la condamne généralement à l’impuissance. C’était le cas avant la crise du coronavirus. C’est encore plus vrai aujourd’hui.

Les injures de Mélenchon

En France, Jean-Luc Mélenchon a accusé Emmanuel Macron d’être «  un faussaire » qui « vole les mots » de son parti, La France Insoumise, mais « refuse toutes ses propositions« . Macron n’est pas ma tasse de thé. Mais est-il intelligent d’injurier le président français, au moment où celui-ci esquisse le début d’un meaculpa (retour massif de la puissance publique, rôle de l’Etat-providence…) et prend quelques distances avec les vieilles recettes néolibérales? Je ne le pense pas.

Le tribun de La Gauche Insoumise tire sur tout ce qui bouge. Rarement avec élégance. En témoignant d’une rancoeur toute particulière lorsqu’il s’en prend à ses anciens camarades socialistes. Dans une de ses saillies dont il a le secret, il a jadis affirmé que « le PS est le seul zoo de France où les animaux se gardent entre eux« . La classe, Mélenchon !

Le PTB face au pragmatisme de la FGTB

Mélenchon a aussi crucifié le leader écologiste français, Julien Bayou, coupable selon lui de préparer « un gouvernement d’union nationale » autrement dit de pactiser avec le Grand Capital. Mélenchon dit n’importe quoi. L’écologiste a simplement déclaré qu’il était prêt à « un dialogue social de grande envergure  » pour sortir par le haut de la crise du coronavirus. C’est exactement ce que vient de proposer – tout à fait judicieusement – en Belgique, la FGTB. Le syndicat socialiste plaide pour « un pacte social comme au sortir de la Seconde Guerre, quand les syndicats, les patrons et le gouvernement avaient négocié la reconstruction, la relance, la redistribution, et projeté la Belgique d’après « .

Il sera intéressant d’analyser la réaction du PTB dans les prochaines semaines. Le parti de gauche radicale belge soutiendra-t-il la démarche de la FGTB pour un pacte social, autrement dit, un grand compromis de type social-démocrate avec la majorité des acteurs sociaux et politiques ? Tout au long de son histoire, le syndicat a su se montrer pragmatique pour obtenir des avancées sociales d’envergure. Le PTB saura-t-il faire preuve de pragmatisme, ou copiera-t-il le jusqu’au boutisme de Mélenchon ?

Le PTB veut plumer le PS

Jusqu’à ce jour, le PTB n’a guère brillé par son sens du compromis. Il préfère la logique du « tout ou rien ». Ce fut particulièrement le cas au lendemain des dernières élections communales. Ainsi, à Molenbeek, Catherine Moureaux était sincèrement prête à tenter une expérience de gestion avec le PTB. Ce parti a freiné des quatre fers, pas habitué à faire des concessions programmatiques, particulièrement au PS, son principal concurrent électoral, que les marxistes rêvent de plumer dans la joie et la bonne humeur.

Face au désastre du coronavirus, la gauche « radicale » doit aussi balayer devant sa porte. Adopter la posture du combattant pur et dur contre l’affreuse social-démocratie, chauffera l’atmosphère lors des meetings – virtuels – du 1er mai. Mais après ? Après, il faudra négocier, faire des compromis, adopter la bonne stratégie pour empêcher la casse sociale de l’après-coronavirus, et obtenir de nouvelles avancées sociale, comme ce fut le cas lors du Pacte social de 1944. Elle est là, l’urgence. Certainement pas dans des grandes envolées lyriques pour plumer le PS.

Pour un nouveau Pacte social

Au cours des prochaines semaines, le PTB sera mis sur le grill. Pour être à la hauteur des enjeux, le parti marxiste ne fera pas l’économie d’une remise en question de ses priorités. Il ne s’agit pas de préparer le Grand Soir, mais d’élaborer un nouveau Pacte social en rupture avec l’ultralibéralisme des trois dernières décennies. La confection de ce nouveau pacte ne sera pas une promenade de santé. La FGTB ne se trompe pas lorsqu’elle prévoit « une phase de conflictualité sociale, une épreuve de force, pour obtenir notamment un refinancement de la Sécu et, globalement, un gouvernement de la solidarité ». N’en déplaise au PTB, aucune réforme sociale, dans ce pays, n’est possible sans l’appui du PS. Plumer ce parti et devenir la première force politique en Wallonie, ne peut être l’alpha et l’oméga de la démarche du PTB. Sous peine de passer – radicalement – à côté de l’essentiel.

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