Pascal De Sutter

Est-ce Kafka qui décide dans quelle école votre enfant étudiera ?

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

« Croire au progrès ne signifie pas que le progrès ait déjà eu lieu », écrivait Franz Kafka qui pensait, il y a un siècle déjà, que la bureaucratie avait de plus en plus de prise sur l’individu.

Croire que l’on peut imposer la mixité sociale dans l’enseignement par un « décret Inscription » est tout à fait digne de l’univers kafkaïen. Certes, il était injuste que quelques directeurs aient pu décider arbitrairement de réserver leur école à des étudiants « triés sur le volet ». Il convenait d’éviter ce type de dérive. Qu’a-t-on fait ? Un certain pouvoir politique a probablement considéré que la plupart des directeurs d’établissement scolaires réputés étaient des gens racistes et élitistes. Et les parents d’élèves aussi ! On leur a donc largement retiré leur pouvoir de décision à tous deux. On l’a remplacé par divers systèmes administratifs ubuesques (files d’attente, tirage au sort, système de « points », etc.).

Imaginons un petit garçon immigré hyper-doué dont le père voudrait l’inscrire dans une école réputée, située loin de chez lui. Ce père est-il un méchant élitiste ? Imaginons une jeune fille blonde qui s’habille légèrement en été et ne veut plus aller à l’école de son quartier fréquentée par beaucoup de gens religieux et puritains. Est-elle une affreuse raciste ? Le bon sens nous dit que non. Et pourtant, le décret actuel retire à ces deux personnes le libre choix de leur école.

Il faut regarder la réalité en face. La réalité est que notre enseignement va mal, que certains secteurs manquent de places d’école et qu’il existe des établissements de qualités différentes confrontés à des populations différentes. On ne change pas cette réalité en triturant les conditions d’accès. Ou croire résoudre la situation en espérant envoyer des élèves « faciles » dans des écoles « difficiles » et des élèves « à problème » dans des écoles « sans problème ».

On change cette réalité en améliorant la qualité des écoles de « mauvaise réputation » et en régulant humainement l’accès aux écoles de « bonne réputation ». Pour améliorer la réputation d’une école, il faut une équipe d’enseignants compétents et motivés dirigée par un(e) directeur(trice) avec un excellent projet pédagogique. Pour que des enseignant(e)s ne perdent leur motivation en restant trop longtemps dans des écoles « difficiles », on devrait encourager et favoriser la mobilité. Et modifier cet absurde système de nominations qui bloque les enseignants dans leur secteur. Les directeurs devraient être soulagés des tâches administratives et techniques pour se concentrer sur des projets pédagogiques innovants et attractifs.

La mixité sociale fonctionne bien à l’armée ou dans le sport. Comment accède-t-on à une unité militaire d’élite ou à une équipe sportive prestigieuse ? Pauvre ou riche, noir ou blanc, on y accède au mérite. Pas grâce à un décret ministériel ou à un tirage au sort. Pour accéder aux écoles d' »élite » (osons enfin avouer qu’elles existent !), une commission composée d’enseignants, de psychologues et de pédagogues rencontrerait chaque parent et évaluerait chaque enfant candidat. Une relation humaine s’établirait où ce serait l’intérêt, le potentiel et le mérite de l’enfant qui primeraient.

Je crois que c’est en misant sur la dimension humaine que l’on fera avancer l’enseignement pas en y ajoutant encore et toujours plus d' »administratif » et de « règlements », mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

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